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Studios de cinéma
02/05/2012 08:39
Studios de cinéma de temps en temps refuser des films de critiques avant leur libération. Ces ouvertures froides offrent un cadre naturel d'appliquer en laboratoire développé des modèles de réflexion stratégique limitée sur le terrain. Dans un ensemble de 1.303 films largement publiés, l'ouverture à froid est corrélée avec une augmentation de 10-30 pour cent en interne au box-office des recettes, et un motif de déception du ventilateur, compatible avec l'hypothèse que certains cinéphiles ne pas déduire de faible qualité de l'ouverture du froid. Bien que la sélection et l'endogénéité peut jouer un rôle dans ces régressions, le modèle complet des résultats est compatible avec le niveau-k et cognitives hiérarchie comportementale-théorie des jeux modèles. (JEL D12, D82, L82, M37)
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René Descartes
24/04/2012 16:01
Descartes commence par interroger les sens, parce que ce sont eux qui semblent nous donner le plus immédiatement la connaissance du monde extérieur. Pour savoir quelque chose, il faut apparemment premièrement en faire l’expérience. Ainsi dit-on : « je ne crois que ce que je vois », sous-entendu : si tu me montres ce que tu dis, alors je te croirais. L’expérience sensible est le plus souvent ce sur quoi nous nous appuyons pour fonder la vérité de nos propos. Exemple : on argumente souvent en disant : « tu peux me croire, même que j’y étais, je l’ai vu de mes propres yeux ! ». Descartes cherche à interroger cette évidence de l’expérience sensible, en montrant que, bien loin d’être la garante de la vérité d’un discours, elle ne peut jamais valoir comme critère de certitude. Il y a en effet deux cas : pour les choses éloignées, les sens ne sont pas fiables. Exemple : la tour carrée paraît ronde de loin. Il me semble apercevoir Luis, mais c’était Mathilde. Les sens, quand un objet est trop éloigné, ne permettent pas d’identifier en toute certitude le référent de ce qui est perçu. Objection : on dira que c’est notre distance à l’objet qui est la source de l’erreur possible, mais que dans le cas d’une proximité suffisante, toute possibilité de doute s’évanouit. Descartes prend alors deux exemples : celui de la folie, et celui du rêve. La folie peut s’expliquer par un dysfonctionnement du corps, alors que le rêve est une expérience qui est commune à tous les hommes. Non seulement elle produit les mêmes effets, mais en plus elle ne nous oblige pas à présupposer que nous sommes fous. Les hommes raisonnables aussi rêvent. Le rêve est un exemple qui remet en cause la certitude même que nous attachons aux données de l’expérience et du monde extérieur.
b) la mise en cause de la rationalité et le doute hyperbolique, abandonné pour un doute méthodique ensuite.
Voici le texte cartésien :
Toutefois j’ai ici à considérer que je suis homme, et par conséquent que j’ai coutume de dormir et de me représenter en mes songes les mêmes choses, ou quelquefois de moins vraisemblables, que ces insensés, lorsqu’ils veillent. Combien de fois m’est-il arrivé de songer, la nuit, que j’étais en ce lieu, que j’étais habillé, que j’étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? Il me semble bien à présent que ce n’est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier ; que cette tête que je remue n’est point assoupie ; que c’est avec dessein et de propos délibéré que j’étends cette main, et que je la sens : ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci. Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d’avoir été souvent trompé, lorsque je dormais, par de semblables illusions. Et m’arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu’il n’y a point d’indices concluants, ni de marques assez certaines par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil, que j’en suis tout étonné ; et mon étonnement est tel, qu’il est presque capable de me persuader que je dors[1].
Rappelons le projet cartésien : fonder les sciences. Quelles sont les sciences dont le rêve ébranle la légitimité ? Toutes celles dont l’objet suppose un monde extérieur tel que je me le représente, à savoir la physique (qui suppose l’existence de la matière), la médecine (qui suppose qu’il existe des corps, d’autres hommes, etc.), etc. Les sciences qui n’ont affaire qu’à la simple pensée (comme les mathématiques) sont hors de cause pour l’instant, car les nombres ne supposent aucune hypothèse sur le monde extérieur. Les mathématiques ne m’obligent pas à croire qu’il existe telle ou telle chose, alors que l’astronomie m’oblige à croire qu’il existe des soleils, des planètes, etc. mais tous ces soleils et toutes ces planètes pourraient très bien n’avoir qu’une réalité onirique. Je peux douter de la physique et de l’astronomie, parce que le monde que je me représente comme étant soumis à des lois, ce monde qui me semble tourner autour du soleil, qui est composé de matière tellurique gazeuse, peut-être n’existe-t-il que dans ma tête, que dans mes rêves. Si vraiment nous étions en train de rêver, alors tous les objets de la physique et de l’astronomie seraient des fantasmes de mon imagination. Ces sciences seraient sans fondement. Le doute que le monde que nous avons devant le yeux n’a peut-être pas plus de réalité qu’un rêve n’est pas fondé sur l’impossibilité dans laquelle nous serions de faire la distinction consciente ou psychologique entre le rêve et la réalité, mais sur l’impossibilité dans laquelle nous sommes de distinguer la certitude que nous avons d’être dans la réalité quand nous veillons de la certitude d’être dans la réalité dans nous rêvons. Descartes n’opposent pas le rêve et la réalité pour les confondre soutenant qu’il nous est impossible de dire, actuellement, si nous rêvons ou pas. Cela nous pouvons le faire. Ce que nous ne pouvons démontrer, c’est que l’espace du rêve présente un monde d’objets dont la pertinence est inférieure à la pertinence des objets du monde réel. Sa démonstration consiste ainsi à dire : si nous ne sommes pas moins certains d’être devant la réalité et d’appréhender la vérité lorsque nous rêvons que lorsque nous sommes éveillé, cela signifie que notre conviction est accordée au même degré aux objets faux et aux objets véritables, à ce qui est douteux et à ce qui ne l’est pas, et par conséquent toute distinction, du point de vue la science, de la recherche de la vérité, s’efface entre le rêve et la réalité. Si la réalité est aussi certaine, aussi persuasive que la fiction, alors le doute subsiste qu’elle ne vaille pas mieux qu’elle, et par conséquent il faut cesser de la prendre comme référent solide.
Mais cet argument reste sans force pour les objets mathématiques, car que je rêve ou que je sois éveillé, ils conservent leur évidence, leur clarté et leur distinction. La mathématique, science dans laquelle l’esprit n’a affaire qu’à lui-même, résiste au doute, résiste à l’argument du rêve. L’esprit répugne à douter que 2+2 ne soit pas = à 5. Ici, quand la pensée calcule, elle ne prétend rien dire du monde extérieur, elle fait des opérations qui ne renvoient à rien d’autre qu’à sa propre activité. Douter des mathématiques, cela revient à douter de la rationalité du monde. La raison qui doute se prend elle-même comme objet du doute. Par sa volonté, Descartes qui est en train de douter va remettre en cause la raison elle-même, la rationalité même du monde, la mathématicité du monde. Quelle raison peut-on trouver de douter contre / de la raison ? L’esprit se trouve confronté ici à la résistance des vérités mathématiques. Jusqu’ici, Descartes avait imaginé des arguments naturels pour poursuivre l’exercice du doute (l’éloignement des objets par rapport aux sens, le rêve, la folie). Mais pour douter des vérités mathématiques, la raison, c'est-à-dire la lumière naturelle de l’esprit, n’a plus d’argument naturel. La raison est impuissante à trouver une argumentation qui mette en doute les vérités mathématiques. C’est pourquoi Descartes va relayer la raison par la volonté. Si je ne sais plus comment douter, du moins est-il certain que je veux douter. C’est pour continuer de douter que Descartes va envisager l’hypothèse d’un « Dieu qui peut tout » (ou Dieu trompeur, qu’il rejette), puis d’un « malin génie ». Parce qu’il m’est arrivé, déjà, sous l’effet de la fatigue ou autre, de faire des erreurs de calcul, je vais imaginer qu’il y a une sorte de malin génie qui me trompe, à chaque fois que mon âme fait une opération mathématique. Plus que la science, c’est la rationalité même du monde qui est ici mise en doute.
c) Le Cogito et la règle d’évidence :
Descartes cherche une première vérité, c'est-à-dire quelque chose d’indubitable. Pour cela il faut pousser le doute jusqu’au bout. Ainsi, nous saurons s’il est impossible d’être assuré de quoi que ce soit, ou alors, si nous trouvons quelque chose qui résiste à cette ferme volonté de douter, nous saurons qu’il faudra partir d’elle pour dérouler toute la chaîne du savoir. Il faut toujours partir de ce qu’on sait, pour se garantir de ne pas faire d’erreur dans nos déductions[2]. Exemple : si je pars d’une erreur de calcul au début d’un exercice de maths, celle-ci se répercute sur l’ensemble de l’exercice, et fausse tous les autres résultats. C’est le même problème que rencontre le jaloux pathologique (cf. Kundera, Risibles amours, dont l’une des nouvelles donne l’exemple d’un homme, médecin dans un hôpital et joueur de musique, qui interprète toutes les données de son expérience et toutes les récries de sa femme dans un sens qui augmente sa jalousie au lieu de l’apaiser). C’est pourquoi il faut toujours partir d’une vérité, parce que de la vérité, si l’on procède avec méthode et qu’on juge sans se précipiter, ne peut sortir l’erreur, alors que de l’erreur jamais ne peut sortir la vérité. Cette première vérité, donc, quelle est telle, et comment la dégage-t-on sur la toile de fond du doute radical ? Le raisonnement est le suivant : dans la première médiation j’ai nié que je pouvais savoir avec une absolue certitude si mes sens ne me trompaient pas, donc si le monde et tout ce que je connais de moi-même par l’intermédiaire de mes sens existait, et si mes raisonnements n’étaient pas tous tronqués, donc si ma raison n’était pas défaillante dans ses opérations ou raisonnements. Mais si je peux nier que j’existe avec un corps, car il se pourrait que mes sens me trompent et que le corps que je crois avoir n’est qu’un rêve, qu’un corps rêvé, puis-je nier que moi qui doute j’existe bel et bien (sans savoir encore ce qu’est ce moi qui doute). Si je n’existais pas, je ne pourrai pas douter que j’existe. Si je doute, c’est donc que j’existe, et le malin génie peut me tromper sur tout ce que je me représente être vrai et existant, il ne peut pas me tromper sur le fait que je suis, s’il me trompe. Car si je ne suis pas, alors il n’y a personne qu’il puisse tromper. S’il me trompe, c’est donc que je suis. En même temps que je me pense trompé, je coïncide avec la conscience de moi-même en train de le penser. Si je doute, si je pense quelque chose, ça ne signifie pas que ce que je pense existe, mais je ne peux pas penser sans qu’il y ait quelque chose qui pense : moi. L’existence du sujet est impliquée dans l’exercice même du doute, c'est-à-dire de la pensée. Car douter, c’est penser. Le doute néantise tous les objets, mais il installe en même temps la certitude du sujet, sans lequel il ne pourrait s’exercer. Douter, c’est affirmer le caractère indubitable du sujet. C’est pourquoi l’on peut dire, avec Guenancia :
Descartes montre par là le caractère autodestructeur du scepticisme ou du relativisme radical ; sceptiques et relativistes ne vont en fait jamais assez loin dans leurs allégations, sinon ils rencontreraient, impliquées en elles, la certitude absolue qu’ils disent ne jamais pouvoir trouver. Car on ne peut pas dire que « tout est douteux » ou que « tout est relatif » sans que cette phrase le soit aussi, et par conséquent ne se nie d’elle-même. C’est pourquoi il faut étendre le doute à toutes choses pour s’apercevoir qu’en fait il est impossible de douter de tout. Aussi ces trois suppositions n’ont-elles d’autre but que d’établir une certitude qui échappe à toute supposition, et à partir de laquelle elle pourront, pour ainsi dire, être prises à rebours et, aussi méthodiquement qu’elles ont été avancées, être progressivement écartées[3].
En même temps qu’il découvre la première vérité, Descartes fait l’expérience de ce qu’est une vérité. Le cogito est la première vérité que l’on connaît quand on entreprend de tout mettre en doute, mais avec cette vérité je gagne autre chose : à savoir la connaissance de la manière dont se manifeste la vérité, la connaissance des caractéristiques de la vérité, la connaissance des attributs de la vérité. Car c’est en tant que mon existence pendant que je doute est parfaitement claire et distincte, que je la tiens pour vraie. Il est parfaitement clair et distinct que, si je doute, alors je au minimum faut-il que je sois. Je vais donc tenir pour vrai tout ce qui se présentera à mon esprit comme clair et distinct : « aussitôt que nous pensons concevoir clairement quelque vérité, nous sommes naturellement portés à la croire. Et si cette croyance est si forte que nous ne puissions jamais avoir aucune raison de douter de ce que nous croyons de la sorte, il n’y a rien à rechercher davantage. »[4]. Parce qu’il est la première et la seule vérité que je détienne, le Cogito est en même temps le seul modèle dont je dispose pour savoir ce qu’est une vérité. Dès lors, on dira que toute proposition, toute pensée, pour s’imposer comme une vérité, devra avoir le même degré d’évidence que cette première vérité, autrement dit devra être aussi claire et distincte que la proposition « je suis, j’existe ». « Et partant, dit Descartes au début de la 3e méditation, il me semble que déjà je puis établir pour règle générale, que toutes les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement, sont toutes vraies. »[5] Cette règle, nous l’appelons la règle d’évidence. Est évident ce que je conçois clairement et distinctement. L’évidence d’une proposition, c'est-à-dire sa clarté et sa distinction, est donc le critère de sa vérité.
Mais qu'est-ce la clarté et la distinction ? Descartes écrit : « […] la connaissance sur laquelle on peut établir un jugement indubitable doit être non seulement claire, mais aussi distincte. J’appelle claire celle qui est présente et manifeste à un esprit attentif ; de même que nous disons voir clairement les objets lorsque étant présents ils agissent assez fort, et que nos yeux sont disposés à les regarder ; et distincte, celle qui est tellement précise et différente de toutes les autres, qu’elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère comme il faut. »[6] Exemple : la douleur est une connaissance claire mais confuse. Exemple : quand je pense à un cercle carré, il n’y a rien de présent à mon esprit, cette idée n’est donc ni claire ni distincte. Par contre, quand je pense à l’amitié, quelque chose est présent à mon esprit, par exemple l’idée que c’est un sentiment qui naît entre des personnes qui se font mutuellement confiance, qui éprouvent un agrément mutuel à passer du temps ensemble, et qui s’accroît avec la connaissance qu’on acquiert de l’autre. Mais cette idée de l’amitié, si elle est claire, n’est pas distincte, car tout ceci peut aussi valoir pour l’amour. J’ai une connaissance distincte de quelque chose quand je la connais par différence d’avec ce qu’elle n’est pas, autrement dit quand je peux en donner une définition, quand je peux dire ce qui définit, donc ce qui trace les contours finis de ce qu’elle est, par exclusion de ce qu’elle n’est pas. Je sais distinctement ce qu’est l’amitié quand je sais ce qui la distingue de l’amour, de la simple affection, de l’attachement, de l’estime, etc.
Par la mise au jour de cette règle d’évidence, Descartes remet en cause la définition classique de la vérité[7]. Avant Descartes, on définissait en la vérité comme « adequatio rei ». « Il pleut » est une proposition vraie s’il pleut. Un jugement est vrai si la réalité se comporte comme mon jugement dit qu’elle se comporte, autrement dit s’il y a une stricte correspondance entre ce que je dis et ce qui est, ou si ce que je dis est adéquat à ce qui est. Pour Descartes, cette définition n’est pas satisfaisante, car je peux toujours douter, comme on l’a vu, que les choses sont bien à l’extérieur de moi comme je me représente qu’elles sont. Si vous définissez la vérité comme adéquation, il faut que vous puissiez comparer vos jugements, votre perception, à ce qu’il y a dans la réalité. Mais c’est impossible. Exemple : l’enfant Jésus fait le portrait de son papa humain : Joseph. Pour savoir si ce portrait correspond bien à ce qu’il prétend représenter, il faut comparer les deux. Comme ces deux objets sont extérieurs à Marie, cette dernière peut facilement effectuer la comparaison. Mais comment comparer la perception qu’elle a de Joseph avec le Joseph extérieur à elle ? Comment comparer sa vision avec ce qui est vu ? Il faudrait qu’elle puisse voir Joseph indépendamment de sa vision de Joseph, qu’elle puisse sortir de son champ perceptif pour voir Joseph comme il est à l’extérieur d’elle sans la déformation impliquée par sa perception, c'est-à-dire par les opérations qu’effectue son cerveau pour le connaître ou le voir. Il faudrait donc pouvoir considérer le monde indépendamment de la manière dont le considérons grâce à l’outil perceptif, ce qui est proprement impossible. Si donc nous définissons la vérité comme adéquation, nous nous trouvons dans l’impossibilité de jamais savoir si nos jugements sur le monde sont vrais. Ce n’est donc pas la correspondance qu’il y a entre la réalité et ce que j’en perçois ou dis issue de la comparaison entre mon discours, ma perception, et la réalité qui doit être le critère de la vérité de ma perception ou de mon discours, mais l’évidence de ce qui est perçu et de ce que je conçois qui doit m’assurer que les choses à l’extérieur de ma perception et de mon discours se comportent bien comme je perçois ou pense qu’elles se comportent. C’est parce que la douleur que j’éprouve est claire et distincte que je sais qu’elle correspond à une douleur réelle, et non pas parce que j’aurais comparé la douleur éprouvée à la douleur réelle. La vérité d’un jugement dépend de l’évidence de ce jugement, et non pas de la comparaison (impossible) que nous ferions entre ce que nous jugeons et ce qui est. Nous savons que l’herbe est verte non pas parce que nous avons comparé notre perception du vert avec la couleur de l’herbe elle-même, mais parce que cette sensation ne laisse pas de place au doute, parce que nous percevons clairement et distinctement le vert de cette herbe. Alors nous pouvons en conclure que l’herbe elle-même est bien telle que nous la percevons. A l’inverse, si nous ne percevons pas distinctement la couleur du cheval blanc d’Henri IV, nous ne pouvons rien conclure sur sa couleur réelle. Notre perception étant confuse, nous devons suspendre notre jugement sur les propriétés de l’objet qui correspond à ma perception
[1] Descartes, Méditations métaphysiques, Alquié II, p. 406 par. 5.
[2] Nous verrons que Popper s’oppose totalement à ce principe. Popper nie qu’il y ait une vérité connue dont nous puissions partir. Il faut donc se résigner à partir de l’erreur, quelque soit la distance à laquelle elle se trouve de la vérité, et adopter une méthode qui nous assure que nos recherches nous en rapprocherons, une méthode qui, bien que de manière aveugle, nous mette mécaniquement dans sa direction.
[3] Guenancia, Lire Descartes, p. 150.
[4] Descartes, Méditations métaphysiques, Alquié II, 2e Rép., IX, 113, p. 569 par. 3.
[5] Descartes, Méditations métaphysiques, Alquié II, p. 431.
[6] Descartes, Principes de la philosophie, I, 45, Alquié III, p. 117.
[7] Cf. Guenancia, Lire Descartes, p. 134 et p. 154 milieu.
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Classiques des sciences sociales
24/04/2012 14:42
première réflexion, on se trouve embarrassé entre deux difficultés, entre deux explications. — D’une part, la pensée paraît plus claire que toute définition ; elle est « la lumière intérieure » sans laquelle rien ne serait pour nous et qui, loin de recevoir son irradiation des objets, semble, devant une réflexion critique et approfondie, les illuminer à son propre foyer. Eclairante, elle ne pourrait [X] donc être plus éclairée sur elle-même par la réverbération des rayons qui servent à lui faire prendre conscience de cette source intérieure : tout ce qu’elle peut concentrer de reflets lumineux n’égale pas ce soleil invisible d’une pensée qui ne saurait s’apercevoir immédiatement qu’en une sorte d’éblouissement indistinct. — D’autre part, ce qui est éclairé, tout en contribuant à révéler la lumière, ne la fait pas connaître elle-même en son centre ; et, faute de pouvoir fixer utilement le foyer rayonnant, nous sommes réduits à détourner notre vue d’un spectacle stérilisant pour nous tourner, comme les prisonniers de la caverne, vers ce mélange d’ombres et de clartés qui compose la figure de ce monde, à moins qu’il ne faille dire le rêve de l’esprit.
Déjà donc notre embarras semble se préciser par la vue confuse d’une équivoque sur la pensée et d’une sorte de diplopie : nous oscillons des objets pensés au sujet pensant sans pouvoir déterminer ce qu’il y a d’éclairé ou d’éclairant en eux, ou plutôt en étant comme forcés d’admettre qu’ils ont alternativement l’un et l’autre de ces rôles. Nous ne réussissons d’ailleurs pas à séparer ces aspects apparemment solidaires pas plus qu’à définir exactement la causalité réciproque d’éléments supposés distincts et relatifs l’un à l’autre ; impossible donc de justifier le présupposé d’une dualité ni par conséquent l’idée même d’une relation ; car la notion de sujet et d’objet, dont le criticisme et le relativisme partent comme de données primitives et évidentes, est tardive, factice, invérifiable.
Aussi un examen un peu attentif nous révèle une difficulté plus complexe, plus profonde que celle où nous étions d’abord tentés de nous arrêter. Ce n’est pas une simple diplopie, même incurable, c’est une triplopie qui brouille nos réflexions, comme nos regards sont troublés devant ces images artificieuses dont on ne sait dire si [XI] elles ont les yeux ouverts ou clos. En fait et indépendamment de toute théorie, la pensée comporte trois significations qu’on ne peut ni isoler, ni réduire à l’unité, ni simplement juxtaposer. Tour à tour, — elle est ce qui est pensé ou tout au moins pensable, — elle est ce qui est pensant, produisant, agissant, elle est ce rapport mystérieux entre ce qui semble les deux données précédentes ; mais ces données elles-mêmes ne sont affirmées comme telles que par une élaboration abstractive dont la réflexion savante a échoué jusqu’ici à découvrir les éléments primitifs et à justifier les démarches progressives.
Or, si elle ne rend pas compte de ces constatations et si elle ne montre pas l’harmonie de ses fonctions, une étude de la pensée ne répond pas aux plus nécessaires exigences auxquelles elle doit satisfaire. Nous avons à rendre intelligibles ces oppositions, ou tout au moins ces alternances, qui forment la vie en même temps que l’obscurité et la clarté mêlées de la pensée. Nous avons à aider par là même la pensée à réaliser son œuvre, à diriger son développement normal, à viser sinon à atteindre sa fin véritable [1].
Il est vrai que la pensée offre cette triple existence : fondée dans les êtres, elle est, en outre et à la fois, réalité subjective, subsistance originale et promouvante ; mais il est indispensable de doser, si l’on peut dire, tous ses [XII] ingrédients vitaux. Il est non moins urgent d’en décrire et même d’en procurer la genèse réelle, normale, féconde. Il y a une façon de théorétiser sur elle qui la réduit à des simulacres figés en gestes, peut-être expressifs, mais inopérants, comme ce génie ailé de la place de la Bastille qui, paraissant s’élancer on ne sait vers quel but, ne peut ni s’envoler, ni, comme le dit la chanson, lâcher la colonne et sauter jusqu’en bas. Nous cherchons, non une effigie de la pensée, mais une philosophie à la fois explicative et efficiente.
Si la réflexion n’a pu trop souvent qu’obtenir des poses immobiles, alors que la vie réelle est un continu mouvant, recueillons donc les enseignements de la pensée en acte au profit de la pensée savante et opérante. Notre espoir est d’étendre à l’œuvre philosophique elle-même les méthodes qui permettent à l’œuvre de la nature et à la spontanéité de l’esprit de passer outre et de résoudre, au moins transitoirement, les difficultés devant lesquelles les procédés abstraits ont le double tort d’échouer et d’offrir ou de fictives solutions ou des antinomies inextricables. (2)
Dès cet examen liminaire qui met en cause la possibilité, la probité, l’efficacité de notre enquête, nous apercevons déjà quelques-uns des caractères inédits de la question à poser, quelques-unes des implications dont nous avons à tenir compte pour qu’une science de la pensée ne se perde pas, — avant même de s’être trouvée, — dans des théories précipitées, subrepticement frauduleuses et inévitablement décevantes.
Peut-être ces indications, en entr’ouvrant les perspectives qui sont à explorer, nous font déjà comprendre pourquoi tant de théories ont enlacé et même étouffé l’étude foncière de la pensée dans le problème de la connaissance, pourquoi aussi tant d’ingéniosité s’est dépensée pour aboutir, après de spécieuses explications, à des [XIII] échecs, à de partielles solutions, impossibles à pousser jusqu’au bout et contradictoires les unes avec les autres. Et l’image qui vient à l’esprit en présence de ces tiraillements sans fin dont les systèmes ne s’affranchissent qu’en cassant le fil, c’est celle d’un écheveau embrouillé.
[1] Pour les notes rapides qui trouvent place au bas des pages, nous userons des lettres minuscules de l’alphabet : a, b, c... comme on vient déjà de le remarquer. Nous réservons l’emploi des chiffres 1, 2, 3... qui croîtront autant qu’il sera nécessaire pour l’ensemble de l’ouvrage, à des commentaires explicatifs ou justificatifs, sortes de « digressions », au sens pascalien de ce mot, qui nous ramènent, par des voies diversement utiles à explorer, au centre unique et constant de nos perspectives. Dès la fin de cette note, le chiffre 1 renvoie le lecteur au premier de ces « excursus » qu’il convient de lire dès à présent. Du reste, nous pourrons, chemin faisant, renvoyer le lecteur plusieurs fois à un même excursus quand il y aura intérêt à le méditer sous des aspects différents. (1)
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