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Litterature
02/05/2012 16:15
literature below is intended to point out important literature in the field concerning the problem of diverting investment from speculation to production, as well as to establish a systematic perspective referring to historical periods. As noted, the categories “financial-“ and “industrial capitalism” are terms that refer to how strong financial affairs are regulated by national political authorities. Using time as the classification criterion therefore points to the changing character of this debate through the past centuries.
The first category is split chronologically in order highlight the fluctuations in the production of literature. The delineation of periods is based on the dominating trend within the global financial system.
The second major category, “new monetary system movements”, could largely be grouped into the chronological section 1918-1945 but constitutes a tradition which stands out by itself and breaks this chronological categorisation. We believe a better perspective of this tradition is gained by separating this tradition from the rest of the literature. The reason is that on several points these movements converge. Not only do they all intend to solve the post WW I economic crisis of instability, unemployment and social misery and strife. They do also propose more or less similar solutions to this prolonged crisis. It turns out that the most famous of these reformers, J.M.Keynes, was more the visible surface of a great wave than the originator of the wave itself. The reformers saw the problem as primarily connected to the monetary system, concerning in particular credit. The titles of three books are revealing of the general intent of the general movement: Robert Eisler’s Stable Money (1932), Brynjolf Bjørseth’s Distribute or Destroy (1934) and Major Douglas’ The Monopoly of Credit (1931). The depression was seen as a kind of constipation of the economy caused by a lack of proper circulation of credit and money as lubricants in the economic machinery. The solution was seen as a politically administrated distribution of these lubricants to the public in general. The differences between the various reformers reflect the different suggestions of how to carry this out in practice.
LANGUAGES:
For practical purposes the literature is classified into different language groups. The subsection Scandinavia is a reflection of the ethnocentricity of this author. The classification into languages is, of course, also a classification in terms of cultural areas. In particular the European continental nations have a different more nationalistic tendency (favouring political control), whereas the Anglo-Saxon countries have a more market-oriented policy (favouring banking control). The latter is the normal and accepted view today. However - from an historical point of view - this is a fairly recent phenomenon, indeed a post WW II and even a post 1970s phenomenon. In particular, the United States followed a much more nationalist policy during periods of the 19th Century and in the 1931-1963 era. This goes for Britain as well in several periods, the last being the partly successful attempt to revive mercantilism a Century ago and to some degree the Labour dominated post-WW II period
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René Descartes
24/04/2012 16:01
Descartes commence par interroger les sens, parce que ce sont eux qui semblent nous donner le plus immédiatement la connaissance du monde extérieur. Pour savoir quelque chose, il faut apparemment premièrement en faire l’expérience. Ainsi dit-on : « je ne crois que ce que je vois », sous-entendu : si tu me montres ce que tu dis, alors je te croirais. L’expérience sensible est le plus souvent ce sur quoi nous nous appuyons pour fonder la vérité de nos propos. Exemple : on argumente souvent en disant : « tu peux me croire, même que j’y étais, je l’ai vu de mes propres yeux ! ». Descartes cherche à interroger cette évidence de l’expérience sensible, en montrant que, bien loin d’être la garante de la vérité d’un discours, elle ne peut jamais valoir comme critère de certitude. Il y a en effet deux cas : pour les choses éloignées, les sens ne sont pas fiables. Exemple : la tour carrée paraît ronde de loin. Il me semble apercevoir Luis, mais c’était Mathilde. Les sens, quand un objet est trop éloigné, ne permettent pas d’identifier en toute certitude le référent de ce qui est perçu. Objection : on dira que c’est notre distance à l’objet qui est la source de l’erreur possible, mais que dans le cas d’une proximité suffisante, toute possibilité de doute s’évanouit. Descartes prend alors deux exemples : celui de la folie, et celui du rêve. La folie peut s’expliquer par un dysfonctionnement du corps, alors que le rêve est une expérience qui est commune à tous les hommes. Non seulement elle produit les mêmes effets, mais en plus elle ne nous oblige pas à présupposer que nous sommes fous. Les hommes raisonnables aussi rêvent. Le rêve est un exemple qui remet en cause la certitude même que nous attachons aux données de l’expérience et du monde extérieur.
b) la mise en cause de la rationalité et le doute hyperbolique, abandonné pour un doute méthodique ensuite.
Voici le texte cartésien :
Toutefois j’ai ici à considérer que je suis homme, et par conséquent que j’ai coutume de dormir et de me représenter en mes songes les mêmes choses, ou quelquefois de moins vraisemblables, que ces insensés, lorsqu’ils veillent. Combien de fois m’est-il arrivé de songer, la nuit, que j’étais en ce lieu, que j’étais habillé, que j’étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? Il me semble bien à présent que ce n’est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier ; que cette tête que je remue n’est point assoupie ; que c’est avec dessein et de propos délibéré que j’étends cette main, et que je la sens : ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci. Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d’avoir été souvent trompé, lorsque je dormais, par de semblables illusions. Et m’arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu’il n’y a point d’indices concluants, ni de marques assez certaines par où l’on puisse distinguer nettement la veille d’avec le sommeil, que j’en suis tout étonné ; et mon étonnement est tel, qu’il est presque capable de me persuader que je dors[1].
Rappelons le projet cartésien : fonder les sciences. Quelles sont les sciences dont le rêve ébranle la légitimité ? Toutes celles dont l’objet suppose un monde extérieur tel que je me le représente, à savoir la physique (qui suppose l’existence de la matière), la médecine (qui suppose qu’il existe des corps, d’autres hommes, etc.), etc. Les sciences qui n’ont affaire qu’à la simple pensée (comme les mathématiques) sont hors de cause pour l’instant, car les nombres ne supposent aucune hypothèse sur le monde extérieur. Les mathématiques ne m’obligent pas à croire qu’il existe telle ou telle chose, alors que l’astronomie m’oblige à croire qu’il existe des soleils, des planètes, etc. mais tous ces soleils et toutes ces planètes pourraient très bien n’avoir qu’une réalité onirique. Je peux douter de la physique et de l’astronomie, parce que le monde que je me représente comme étant soumis à des lois, ce monde qui me semble tourner autour du soleil, qui est composé de matière tellurique gazeuse, peut-être n’existe-t-il que dans ma tête, que dans mes rêves. Si vraiment nous étions en train de rêver, alors tous les objets de la physique et de l’astronomie seraient des fantasmes de mon imagination. Ces sciences seraient sans fondement. Le doute que le monde que nous avons devant le yeux n’a peut-être pas plus de réalité qu’un rêve n’est pas fondé sur l’impossibilité dans laquelle nous serions de faire la distinction consciente ou psychologique entre le rêve et la réalité, mais sur l’impossibilité dans laquelle nous sommes de distinguer la certitude que nous avons d’être dans la réalité quand nous veillons de la certitude d’être dans la réalité dans nous rêvons. Descartes n’opposent pas le rêve et la réalité pour les confondre soutenant qu’il nous est impossible de dire, actuellement, si nous rêvons ou pas. Cela nous pouvons le faire. Ce que nous ne pouvons démontrer, c’est que l’espace du rêve présente un monde d’objets dont la pertinence est inférieure à la pertinence des objets du monde réel. Sa démonstration consiste ainsi à dire : si nous ne sommes pas moins certains d’être devant la réalité et d’appréhender la vérité lorsque nous rêvons que lorsque nous sommes éveillé, cela signifie que notre conviction est accordée au même degré aux objets faux et aux objets véritables, à ce qui est douteux et à ce qui ne l’est pas, et par conséquent toute distinction, du point de vue la science, de la recherche de la vérité, s’efface entre le rêve et la réalité. Si la réalité est aussi certaine, aussi persuasive que la fiction, alors le doute subsiste qu’elle ne vaille pas mieux qu’elle, et par conséquent il faut cesser de la prendre comme référent solide.
Mais cet argument reste sans force pour les objets mathématiques, car que je rêve ou que je sois éveillé, ils conservent leur évidence, leur clarté et leur distinction. La mathématique, science dans laquelle l’esprit n’a affaire qu’à lui-même, résiste au doute, résiste à l’argument du rêve. L’esprit répugne à douter que 2+2 ne soit pas = à 5. Ici, quand la pensée calcule, elle ne prétend rien dire du monde extérieur, elle fait des opérations qui ne renvoient à rien d’autre qu’à sa propre activité. Douter des mathématiques, cela revient à douter de la rationalité du monde. La raison qui doute se prend elle-même comme objet du doute. Par sa volonté, Descartes qui est en train de douter va remettre en cause la raison elle-même, la rationalité même du monde, la mathématicité du monde. Quelle raison peut-on trouver de douter contre / de la raison ? L’esprit se trouve confronté ici à la résistance des vérités mathématiques. Jusqu’ici, Descartes avait imaginé des arguments naturels pour poursuivre l’exercice du doute (l’éloignement des objets par rapport aux sens, le rêve, la folie). Mais pour douter des vérités mathématiques, la raison, c'est-à-dire la lumière naturelle de l’esprit, n’a plus d’argument naturel. La raison est impuissante à trouver une argumentation qui mette en doute les vérités mathématiques. C’est pourquoi Descartes va relayer la raison par la volonté. Si je ne sais plus comment douter, du moins est-il certain que je veux douter. C’est pour continuer de douter que Descartes va envisager l’hypothèse d’un « Dieu qui peut tout » (ou Dieu trompeur, qu’il rejette), puis d’un « malin génie ». Parce qu’il m’est arrivé, déjà, sous l’effet de la fatigue ou autre, de faire des erreurs de calcul, je vais imaginer qu’il y a une sorte de malin génie qui me trompe, à chaque fois que mon âme fait une opération mathématique. Plus que la science, c’est la rationalité même du monde qui est ici mise en doute.
c) Le Cogito et la règle d’évidence :
Descartes cherche une première vérité, c'est-à-dire quelque chose d’indubitable. Pour cela il faut pousser le doute jusqu’au bout. Ainsi, nous saurons s’il est impossible d’être assuré de quoi que ce soit, ou alors, si nous trouvons quelque chose qui résiste à cette ferme volonté de douter, nous saurons qu’il faudra partir d’elle pour dérouler toute la chaîne du savoir. Il faut toujours partir de ce qu’on sait, pour se garantir de ne pas faire d’erreur dans nos déductions[2]. Exemple : si je pars d’une erreur de calcul au début d’un exercice de maths, celle-ci se répercute sur l’ensemble de l’exercice, et fausse tous les autres résultats. C’est le même problème que rencontre le jaloux pathologique (cf. Kundera, Risibles amours, dont l’une des nouvelles donne l’exemple d’un homme, médecin dans un hôpital et joueur de musique, qui interprète toutes les données de son expérience et toutes les récries de sa femme dans un sens qui augmente sa jalousie au lieu de l’apaiser). C’est pourquoi il faut toujours partir d’une vérité, parce que de la vérité, si l’on procède avec méthode et qu’on juge sans se précipiter, ne peut sortir l’erreur, alors que de l’erreur jamais ne peut sortir la vérité. Cette première vérité, donc, quelle est telle, et comment la dégage-t-on sur la toile de fond du doute radical ? Le raisonnement est le suivant : dans la première médiation j’ai nié que je pouvais savoir avec une absolue certitude si mes sens ne me trompaient pas, donc si le monde et tout ce que je connais de moi-même par l’intermédiaire de mes sens existait, et si mes raisonnements n’étaient pas tous tronqués, donc si ma raison n’était pas défaillante dans ses opérations ou raisonnements. Mais si je peux nier que j’existe avec un corps, car il se pourrait que mes sens me trompent et que le corps que je crois avoir n’est qu’un rêve, qu’un corps rêvé, puis-je nier que moi qui doute j’existe bel et bien (sans savoir encore ce qu’est ce moi qui doute). Si je n’existais pas, je ne pourrai pas douter que j’existe. Si je doute, c’est donc que j’existe, et le malin génie peut me tromper sur tout ce que je me représente être vrai et existant, il ne peut pas me tromper sur le fait que je suis, s’il me trompe. Car si je ne suis pas, alors il n’y a personne qu’il puisse tromper. S’il me trompe, c’est donc que je suis. En même temps que je me pense trompé, je coïncide avec la conscience de moi-même en train de le penser. Si je doute, si je pense quelque chose, ça ne signifie pas que ce que je pense existe, mais je ne peux pas penser sans qu’il y ait quelque chose qui pense : moi. L’existence du sujet est impliquée dans l’exercice même du doute, c'est-à-dire de la pensée. Car douter, c’est penser. Le doute néantise tous les objets, mais il installe en même temps la certitude du sujet, sans lequel il ne pourrait s’exercer. Douter, c’est affirmer le caractère indubitable du sujet. C’est pourquoi l’on peut dire, avec Guenancia :
Descartes montre par là le caractère autodestructeur du scepticisme ou du relativisme radical ; sceptiques et relativistes ne vont en fait jamais assez loin dans leurs allégations, sinon ils rencontreraient, impliquées en elles, la certitude absolue qu’ils disent ne jamais pouvoir trouver. Car on ne peut pas dire que « tout est douteux » ou que « tout est relatif » sans que cette phrase le soit aussi, et par conséquent ne se nie d’elle-même. C’est pourquoi il faut étendre le doute à toutes choses pour s’apercevoir qu’en fait il est impossible de douter de tout. Aussi ces trois suppositions n’ont-elles d’autre but que d’établir une certitude qui échappe à toute supposition, et à partir de laquelle elle pourront, pour ainsi dire, être prises à rebours et, aussi méthodiquement qu’elles ont été avancées, être progressivement écartées[3].
En même temps qu’il découvre la première vérité, Descartes fait l’expérience de ce qu’est une vérité. Le cogito est la première vérité que l’on connaît quand on entreprend de tout mettre en doute, mais avec cette vérité je gagne autre chose : à savoir la connaissance de la manière dont se manifeste la vérité, la connaissance des caractéristiques de la vérité, la connaissance des attributs de la vérité. Car c’est en tant que mon existence pendant que je doute est parfaitement claire et distincte, que je la tiens pour vraie. Il est parfaitement clair et distinct que, si je doute, alors je au minimum faut-il que je sois. Je vais donc tenir pour vrai tout ce qui se présentera à mon esprit comme clair et distinct : « aussitôt que nous pensons concevoir clairement quelque vérité, nous sommes naturellement portés à la croire. Et si cette croyance est si forte que nous ne puissions jamais avoir aucune raison de douter de ce que nous croyons de la sorte, il n’y a rien à rechercher davantage. »[4]. Parce qu’il est la première et la seule vérité que je détienne, le Cogito est en même temps le seul modèle dont je dispose pour savoir ce qu’est une vérité. Dès lors, on dira que toute proposition, toute pensée, pour s’imposer comme une vérité, devra avoir le même degré d’évidence que cette première vérité, autrement dit devra être aussi claire et distincte que la proposition « je suis, j’existe ». « Et partant, dit Descartes au début de la 3e méditation, il me semble que déjà je puis établir pour règle générale, que toutes les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement, sont toutes vraies. »[5] Cette règle, nous l’appelons la règle d’évidence. Est évident ce que je conçois clairement et distinctement. L’évidence d’une proposition, c'est-à-dire sa clarté et sa distinction, est donc le critère de sa vérité.
Mais qu'est-ce la clarté et la distinction ? Descartes écrit : « […] la connaissance sur laquelle on peut établir un jugement indubitable doit être non seulement claire, mais aussi distincte. J’appelle claire celle qui est présente et manifeste à un esprit attentif ; de même que nous disons voir clairement les objets lorsque étant présents ils agissent assez fort, et que nos yeux sont disposés à les regarder ; et distincte, celle qui est tellement précise et différente de toutes les autres, qu’elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère comme il faut. »[6] Exemple : la douleur est une connaissance claire mais confuse. Exemple : quand je pense à un cercle carré, il n’y a rien de présent à mon esprit, cette idée n’est donc ni claire ni distincte. Par contre, quand je pense à l’amitié, quelque chose est présent à mon esprit, par exemple l’idée que c’est un sentiment qui naît entre des personnes qui se font mutuellement confiance, qui éprouvent un agrément mutuel à passer du temps ensemble, et qui s’accroît avec la connaissance qu’on acquiert de l’autre. Mais cette idée de l’amitié, si elle est claire, n’est pas distincte, car tout ceci peut aussi valoir pour l’amour. J’ai une connaissance distincte de quelque chose quand je la connais par différence d’avec ce qu’elle n’est pas, autrement dit quand je peux en donner une définition, quand je peux dire ce qui définit, donc ce qui trace les contours finis de ce qu’elle est, par exclusion de ce qu’elle n’est pas. Je sais distinctement ce qu’est l’amitié quand je sais ce qui la distingue de l’amour, de la simple affection, de l’attachement, de l’estime, etc.
Par la mise au jour de cette règle d’évidence, Descartes remet en cause la définition classique de la vérité[7]. Avant Descartes, on définissait en la vérité comme « adequatio rei ». « Il pleut » est une proposition vraie s’il pleut. Un jugement est vrai si la réalité se comporte comme mon jugement dit qu’elle se comporte, autrement dit s’il y a une stricte correspondance entre ce que je dis et ce qui est, ou si ce que je dis est adéquat à ce qui est. Pour Descartes, cette définition n’est pas satisfaisante, car je peux toujours douter, comme on l’a vu, que les choses sont bien à l’extérieur de moi comme je me représente qu’elles sont. Si vous définissez la vérité comme adéquation, il faut que vous puissiez comparer vos jugements, votre perception, à ce qu’il y a dans la réalité. Mais c’est impossible. Exemple : l’enfant Jésus fait le portrait de son papa humain : Joseph. Pour savoir si ce portrait correspond bien à ce qu’il prétend représenter, il faut comparer les deux. Comme ces deux objets sont extérieurs à Marie, cette dernière peut facilement effectuer la comparaison. Mais comment comparer la perception qu’elle a de Joseph avec le Joseph extérieur à elle ? Comment comparer sa vision avec ce qui est vu ? Il faudrait qu’elle puisse voir Joseph indépendamment de sa vision de Joseph, qu’elle puisse sortir de son champ perceptif pour voir Joseph comme il est à l’extérieur d’elle sans la déformation impliquée par sa perception, c'est-à-dire par les opérations qu’effectue son cerveau pour le connaître ou le voir. Il faudrait donc pouvoir considérer le monde indépendamment de la manière dont le considérons grâce à l’outil perceptif, ce qui est proprement impossible. Si donc nous définissons la vérité comme adéquation, nous nous trouvons dans l’impossibilité de jamais savoir si nos jugements sur le monde sont vrais. Ce n’est donc pas la correspondance qu’il y a entre la réalité et ce que j’en perçois ou dis issue de la comparaison entre mon discours, ma perception, et la réalité qui doit être le critère de la vérité de ma perception ou de mon discours, mais l’évidence de ce qui est perçu et de ce que je conçois qui doit m’assurer que les choses à l’extérieur de ma perception et de mon discours se comportent bien comme je perçois ou pense qu’elles se comportent. C’est parce que la douleur que j’éprouve est claire et distincte que je sais qu’elle correspond à une douleur réelle, et non pas parce que j’aurais comparé la douleur éprouvée à la douleur réelle. La vérité d’un jugement dépend de l’évidence de ce jugement, et non pas de la comparaison (impossible) que nous ferions entre ce que nous jugeons et ce qui est. Nous savons que l’herbe est verte non pas parce que nous avons comparé notre perception du vert avec la couleur de l’herbe elle-même, mais parce que cette sensation ne laisse pas de place au doute, parce que nous percevons clairement et distinctement le vert de cette herbe. Alors nous pouvons en conclure que l’herbe elle-même est bien telle que nous la percevons. A l’inverse, si nous ne percevons pas distinctement la couleur du cheval blanc d’Henri IV, nous ne pouvons rien conclure sur sa couleur réelle. Notre perception étant confuse, nous devons suspendre notre jugement sur les propriétés de l’objet qui correspond à ma perception
[1] Descartes, Méditations métaphysiques, Alquié II, p. 406 par. 5.
[2] Nous verrons que Popper s’oppose totalement à ce principe. Popper nie qu’il y ait une vérité connue dont nous puissions partir. Il faut donc se résigner à partir de l’erreur, quelque soit la distance à laquelle elle se trouve de la vérité, et adopter une méthode qui nous assure que nos recherches nous en rapprocherons, une méthode qui, bien que de manière aveugle, nous mette mécaniquement dans sa direction.
[3] Guenancia, Lire Descartes, p. 150.
[4] Descartes, Méditations métaphysiques, Alquié II, 2e Rép., IX, 113, p. 569 par. 3.
[5] Descartes, Méditations métaphysiques, Alquié II, p. 431.
[6] Descartes, Principes de la philosophie, I, 45, Alquié III, p. 117.
[7] Cf. Guenancia, Lire Descartes, p. 134 et p. 154 milieu.
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Épicure Lettre à Ménécée
23/04/2012 12:03
jeune, on ne doit pas hésiter à philosopher. Ni, même au seuil de la vieillesse, se fatiguer de l’exercice philosophique. Il n’est jamais trop tôt, qui que l’on soit, ni trop tard pour l’assainissement de l’âme. Tel, qui dit que l’heure de philosopher n’est pas venue ou qu’elle est déjà passée, ressemble à qui dirait que pour le bonheur, l’heure n’est pas venue ou qu’elle n’est plus. Sont donc appelés à philosopher le jeune comme le vieux. Le second pour que, vieillissant, il reste jeune en biens par esprit de gratitude à l’égard du passé. Le premier pour que jeune, il soit aussi un ancien par son sang-froid à l’égard de l’avenir. En définitive, on doit donc se préoccuper de ce qui crée le bonheur, s’il est vrai qu’avec lui nous possédons tout, et que sans lui nous faisons tout pour l’obtenir. Ces conceptions, dont je t’ai constamment entretenu, garde-les en tête. Ne les perds pas de vue quand tu agis, en connaissant clairement qu’elles sont les principes de base du bien vivre.
D’abord, tenant le dieu pour un vivant immortel et bienheureux, selon la notion du dieu communément pressentie, ne lui attribue rien d’étranger à son immortalité ni rien d’incompatible avec sa béatitude. Crédite-le, en revanche, de tout ce qui est susceptible de lui conserver, avec l’immortalité, cette béatitude. Car les dieux existent : évidente est la connaissance que nous avons d’eux. Mais tels que la foule les imagine communément, ils n’existent pas : les gens ne prennent pas garde à la cohérence de ce qu’ils imaginent. N’est pas impie qui refuse des dieux populaires, mais qui, sur les dieux, projette les superstitions populaires. Les explications des gens à propos des dieux ne sont pas des notions établies à travers nos sens, mais des suppositions sans fondement. A cause de quoi les dieux nous envoient les plus grands malheurs, et faveurs : n’ayant affaire en permanence qu’à leurs propres vertus, ils font bonne figure à qui leur ressemble, et ne se sentent aucunement concernés par tout ce qui n’est pas comme eux.
Familiarise-toi avec l’idée que la mort n’est rien pour nous, puisque tout bien et tout mal résident dans la sensation, et que la mort est l’éradication de nos sensations. Dès lors, la juste prise de conscience que la mort ne nous est rien autorise à jouir du caractère mortel de la vie : non pas en lui conférant une durée infinie, mais en l’amputant du désir d’immortalité.
Il s’ensuit qu’il n’y a rien d’effrayant dans le fait de vivre, pour qui est radicalement conscient qu’il n’existe rien d’effrayant non plus dans le fait de ne pas vivre. Stupide est donc celui qui dit avoir peur de la mort non parce qu’il souffrira en mourant, mais parce qu’il souffre à l’idée qu’elle approche. Ce dont l’existence ne gêne point, c’est vraiment pour rien qu’on souffre de l’attendre ! Le plus effrayant des maux, la mort ne nous est rien, disais-je : quand nous sommes, la mort n’est pas là, et quand la mort est là, c’est nous qui ne sommes pas ! Elle ne concerne donc ni les vivants ni les trépassés, étant donné que pour les uns, elle n’est point, et que les autres ne sont plus. Beaucoup de gens pourtant fuient la mort, soit en tant que plus grands des malheurs, soit en tant que point final des choses de la vie. Le philosophe, lui, ne craint pas le fait de n’être pas en vie : vivre ne lui convulse pas l’estomac, sans qu’il estime être mauvais de ne pas vivre. De même qu’il ne choisit jamais la nourriture la plus plantureuse, mais la plus goûteuse, ainsi n’est-ce point le temps le plus long, mais le plus fruité qu’il butine ? Celui qui incite d’un côté le jeune à bien vivre, de l’autre le vieillard à bien mourir est un niais, non tant parce que la vie a de l’agrément, mais surtout parce que bien vivre et bien mourir constituent un seul et même exercice.. Plus stupide encore celui qui dit beau de n’être pas né, ou
Sitôt né, de franchir les portes de l’Hadès.
S’il est persuadé de ce qu’il dit, que ne quitte-t-il la vie sur-le-champ ? Il en a l’immédiate possibilité, pour peu qu’il le veuille vraiment. S’il veut seulement jouer les provocateurs, sa désinvolture en la matière est déplacée. Souvenons-nous d’ailleurs que l’avenir, ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument, afin de ne pas tout à fait l’attendre comme devant exister, et de n’en point désespérer comme devant certainement ne pas exister.
Il est également à considérer que certains d’entre les désirs sont naturels, d’autres vains, et si certains des désirs naturels sont contraignants, d’autres ne sont... que naturels. Parmi les désirs contraignants, certains sont nécessaires au bonheur, d’autres à la tranquillité durable du corps, d’autres à la vie même. Or, une réflexion irréprochable à ce propos sait rapporter tout choix et rejet à la santé du corps et à la sérénité de l’âme, puisque tel est le but de la vie bienheureuse. C’est sous son influence que nous faisons toute chose, dans la perspective d’éviter la souffrance et l’angoisse. Quand une bonne fois cette influence a établi sur nous son empire, toute tempête de l’âme se dissipe, le vivant n’ayant plus à courir comme après l’objet d’un manque, ni à rechercher cet autre par quoi le bien, de l’âme et du corps serait comblé. C’est alors que nous avons besoin de plaisir : quand le plaisir nous torture par sa non-présence. Autrement, nous ne sommes plus sous la dépendance du plaisir.
Voilà pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse. C’est lui que nous avons reconnu comme bien premier, né avec la vie. C’est de lui que nous recevons le signal de tout choix et rejet. C’est à lui que nous aboutissons comme règle, en jugeant tout bien d’après son impact sur notre sensibilité. Justement parce qu’il est le bien premier et né avec notre nature, nous ne bondissons pas sur n’importe quel plaisir : il existe beaucoup de plaisirs auxquels nous ne nous arrêtons pas, lorsqu’ils impliquent pour nous une avalanche de difficultés. Nous considérons bien des douleurs comme préférables à des plaisirs, dès lors qu’un plaisir pour nous plus grand doit suivre des souffrances longtemps endurées. Ainsi tout plaisir, par nature, a le bien pour intime parent, sans pour autant devoir être cueilli. Symétriquement, toute espèce de douleur est un mal, sans que toutes les douleurs soient à fuir obligatoirement.
C’est à travers la confrontation et l’analyse des avantages et désavantages qu’il convient de se décider à ce propos. Provisoirement, nous réagissons au bien selon les cas comme à un mal, ou inversement au mal comme à un bien.
Ainsi, nous considérons l’autosuffisance comme un grand bien : non pour satisfaire à une obsession gratuite de frugalité, mais pour que le minimum, au cas où la profusion ferait défaut, nous satisfasse. Car nous sommes intimement convaincus qu’on trouve d’autant plus d’agréments à l’abondance qu’on y est moins attaché, et que si tout ce qui est naturel est plutôt facile à se procurer, ne l’est pas tout ce qui est vain. Les nourritures savoureusement simples vous régalent aussi bien qu’un ordinaire fastueux, sitôt éradiquée toute la douleur du manque : galette d’orge et eau dispensent un plaisir extrême, dès lors qu’en manque on les porte à sa bouche. L’accoutumance à des régimes simples et sans faste est un facteur de santé, pousse l’être humain au dynamisme dans les activités nécessaires à la vie, nous rend plus aptes à apprécier, à l’occasion, les repas luxueux et, face au sort, nous immunise contre l’inquiétude.
Quand nous parlons du plaisir comme d’un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs du noceur irrécupérable ou de celui qui a la jouissance pour résidence permanente — comme se l’imaginent certaines personnes peu au courant et réticentes, ou victimes d’une fausse interprétation — mais d’en arriver au stade oµ l’on ne souffre pas du corps et ou l’on n’est pas perturbé de l’âme. Car ni les beuveries, ni les festins continuels, ni les jeunes garçons ou les femmes dont on jouit, ni la délectation des poissons et de tout ce que peut porter une table fastueuse ne sont à la source de la vie heureuse : c’est ce qui fait la différence avec le raisonnement sobre, lucide, recherchant minutieusement les motifs sur lesquels fonder tout choix et tout rejet, et chassant les croyances à la faveur desquelles la plus grande confusion s’empare de l’âme.
Au principe de tout cela, comme plus grand bien : la prudence. Or donc, la prudence, d’où sont issues toutes les autres vertus, se révèle en définitive plus précieuse que la philosophie : elle nous enseigne qu’on en saurait vivre agréablement sans prudence, sans honnêteté et sans justice, ni avec ces trois vertus vivre sans plaisir. Les vertus en effet participent de la même nature que vivre avec plaisir, et vivre avec plaisir en est indissociable.
D’après toi, quel homme surpasse en force celui qui sur les dieux nourrit des convictions conformes à leurs lois ? Qui face à la mort est désormais sans crainte ? Qui a percé à jour le but de la nature, en discernant à la fois comme il est aisé d’obtenir et d’atteindre le « summum » des biens, et comme celui des maux est bref en durée ou en intensité ; s’amusant de ce que certains mettent en scène comme la maîtresse de tous les événements — les uns advenant certes par nécessité, mais d’autres par hasard, d’autres encore par notre initiative —, parce qu’il voit bien que la nécessité n’a de comptes à rendre à personne, que le hasard est versatile, mais que ce qui vient par notre initiative est sans maître, et que c’est chose naturelle si le blâme et son contraire la suivent de près (en ce sens, mieux vaudrait consentir à souscrire au mythe concernant les dieux, que de s’asservir aux lois du destin des physiciens naturalistes : la première option laisse entrevoir un espoir, par des prières, de fléchir les dieux en les honorant, tandis que l’autre affiche une nécessité inflexible).
Qui témoigne, disais-je, de plus de force que l’homme qui ne prend le hasard ni pour un dieu, comme le fait la masse des gens (un dieu ne fait rien de désordonné), ni pour une cause fluctuante (il ne présume pas que le bien ou le mal, artisans de la vie bienheureuse, sont distribués aux hommes par le hasard, mais pense que, pourtant, c’est le hasard qui nourrit les principes de grands biens ou de grands maux) ; l’homme convaincu qu’il est meilleur d’être dépourvu de chance particulière tout en raisonnant bien que d’être chanceux en déraisonnant, l’idéal étant évidemment, en ce qui concerne nos actions, que ce qu’on a jugé « bien » soit entériné par le hasard.
A ces questions, et à toutes celles qui s’y rattachent, réfléchis jour et nuit pour toi-même et pour qui est semblable à toi, et veillant ou rêvant jamais rien ne viendra te troubler gravement : ainsi vivras-tu comme un dieu parmi les humains. Car il n’a rien de commun avec un vivant mortel, l’homme vivant parmi des biens immortels.
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