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Créé le : 30/10/2011 10:35
Modifié : 26/12/2012 21:55

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Les formes verbales

01/11/2012 10:36



Les formes verbales – ou communication digitale – bien adaptées à la transmission du contenu d'un message (l'information) sont relativement pauvres pour communiquer sur la relation.

Mais si l'école de Palo Alto resitue, en la minorant, l'importance de la communication digitale dans le processus global de la communication, il n'en demeure pas moins que celle-ci joue un rôle essentiel dans l'histoire de l'humanité, en particulier à partir du moment où grâce à l'invention de l'écriture vont apparaître les grandes civilisations. Peut-on alors construire une approche systémique de la communication digitale?

Les réponses proposées par les différentes sciences du langage, en particulier la linguistique, bien qu'intéressantes s'avèrent au final réductrices et insuffisantes. Elles évacuent une dimension incontournable de cette forme de communication: l'interprétation du message en référence à l'univers de symboles et de représentations qui structure l'environnement culturel des locuteurs. Ce problème de l'interprétation, ou herméneutique, qui présuppose l'existence d'un univers symbolique est au cœur de la réflexion de H.G. Gadamer et de P. Ricœur.

Contrairement à une vision purement individualiste du comportement de l'acteur, supposé producteur autonome de ses idées et qui déciderait librement selon ses intérêts (c'est le postulat de base du libéralisme économique et de la sociologie des organisations), celui-ci agit le plus souvent sous l'emprise de représentations sociales (croyances, normes, modèles, valeurs,…) plus ou moins profondément intériorisées (sous formes consciente et inconsciente) et qui lui dictent ce qu'il convient de faire dans les diverses circonstances de la vie. Agir autrement reviendrait pour l'acteur à se couper de sa société et de son groupe d'appartenance, groupe au sein duquel il puise les éléments de son identité sociale et dont dépend son existence en tant que personne.

A cet ensemble de représentations sociales, les anthropologues ont depuis longtemps donné le nom de culture, notion essentielle pour qui veut comprendre le fonctionnement d'une société. Que l'univers symbolique de la culture conditionne fortement, voire détermine de manière quasi-impérative le comportement des hommes, voilà qui peut sembler évident. Mais d'où provient alors la "consistance" d'un tel univers qui semble se tenir au-dessus des acteurs, dans une sorte de transcendance à l'image du ciel platonicien des idées ?

Pour les positivistes, tenants du réductionnisme individualiste, un tel ordre symbolique n'a qu'une apparence d’existence. Seuls existent les individus, et la culture comme la société ne sont rien d'autre que le résultat de leurs rencontres aléatoires et fugaces. Contre ce réductionnisme, nombreux sont les systémiciens à avoir élevé une protestation et proposé une réponse plus subtile, d'inspiration ago-antagoniste et bien dans l'esprit de la vision globale et émergentiste de la systémique.

Si en matière de dynamique relationnelle et de régulation des systèmes, la communication inter-humaine est ce qui existe au monde de plus complexe, alors la systémique est sans doute ce qui permet de la penser le moins mal possible. Prenant à la fois en compte la globalité du phénomène (par la référence à un univers symbolique qui déborde chaque individu, chaque groupe et même chaque langue particulière et renvoie indirectement à l'histoire globale de l'humanité, à la formation de ses symboles, de ses mythes fondateurs, de ses croyances) et la diversité des relations entre éléments (dualité des langages analogique et digital, modalités multiples de chacun de ces langages, caractère ago-antagoniste de l'interaction,…) l'approche systémique de la communication déborde de toutes parts la vision positiviste centrée sur l'individu, le message, l'élémentaire.

 

 

 

Déjà largement présents au niveau biologique (entre cellules vivantes, entre individus, entre espèces), les phénomènes de communication vont devenir omniprésents au niveau humain. On conçoit donc que les chercheurs en sciences humaines s’y soient intéressés de près et se soient mis en quête, au cours du dernier demi-siècle, de trouver des théories englobantes de la communication.

Un temps séduits par la théorie de l'information, ils en ont vite perçu les limites, celle-ci n'étant au mieux qu'une théorie de la transmission des signaux. Avec la notion de rétroaction, la cybernétique lui a apporté un premier enrichissement, insuffisant cependant pour rendre compte de l'interaction complexe entre émetteur et récepteur lorsqu'il s'agit d'êtres humains.

Les linguistes ont montré pour leur part que l'apport cybernéticien laisse intact le questionnement sur la nature sémantique du message et sur son interprétation. Héritiers des conceptions de Ferdinand de Saussure, ils ont bien mis en évidence, tel Roman Jakobson, les spécificités apportées par le langage humain dans la communication ; mais ces auteurs sont restés flous pour ce qui concerne les éléments extra-linguistiques. Ils n’ont que partiellement tenu compte du contexte dans lequel se déroule la communication, se contentant de l'évoquer sans réellement lui donner un statut précis.

Il appartiendra aux psychosociologues, notamment ceux de l'école systémique de Palo Alto, de faire effectuer aux recherches sur la communication leur plus grande avancée théorique. Aussi, est-ce par la présentation de cette théorie que je vais commencer cet exposé, me réservant dans une seconde section de revenir sur les aspects plus directement linguistiques, notamment à propos de la question herméneutique dont on sait l'importance dans l'exégèse des textes anciens, en particulier religieux.

 

1 - La théorie systémique de la communication

 

Née dans les années 1960/1970 à Palo Alto en Californie, dans le voisinage de la célèbre Université de Stanford, la théorie systémique de la communication doit beaucoup aux travaux de l’anthropologue Gregory Bateson. Celui-ci fut le chef de file d’une sorte de collège informel de chercheurs en sciences humaines, chercheurs souvent en marge de l’enseignement académique, issus des disciplines les plus diverses mais fédérés par l’adhésion commune à l’approche systémique, nouveau paradigme alors en voie de formation au sein de la communauté scientifique. C’est dans le cadre conceptuel de la systémique que fut élaborée, puis formalisée par les successeurs de Bateson, la nouvelle théorie. Parmi ceux-ci, je ferai principalement référence à Paul Watzlawick, psychiatre d'origine autrichienne, connu pour ses travaux sur les thérapies familiales et les pathologies des organisations sociales.

Pour pouvoir présenter les fondements et les concepts de la théorie systémique de la communication, il n’est pas inutile de rappeler d’abord qu’elle s’inscrit dans un double héritage :

celui de l’anthropologie, avec les observations faites par les ethnologues (représentés ici par Gregory Bateson et Margaret Mead) au sujet de ce qu’ils appellent l’échange symbolique,

celui de la théorie de l’information, conçue par des physiciens dans les années 1940, et dont les membres du groupe de Palo Alto n’eurent cesse de vouloir dépasser le discours par trop positiviste et réducteur.

 

1 – 1 ) Les enseignements de l’échange symbolique

Nos sociétés modernes ont tendance à concevoir les relations d’échange entre les hommes sur le mode marchand du donnant/donnant. Un acheteur et un vendeur se rencontrent sur un marché que l’on souhaite le plus étendu, le plus anonyme et le plus transparent possible. Pour payer le bien au vendeur, l’acheteur utilise un moyen monétaire. L’échange s’établit sur la base d’une parfaite réciprocité dans l’égalité des partenaires (échange symétrique) ; il est instantané, c’est à dire se termine aussitôt que le bien a été livré et payé.

Or, une telle conception de l’échange est loin d’être universelle, comme l’ont bien mis en évidence les anthropologues, en particulier Marcel Mauss dès 1923 dan son Essai sur le don : "Ce sont nos sociétés d’Occident qui ont fait de l’homme un animal économique. Mais nous ne sommes pas encore des êtres de ce genre…. Nous sommes encore éloignés heureusement de ce constant et glacial calcul utilitaire". L’observation des sociétés traditionnelles ou primitives montre en effet que l’échange marchand n’est que le cas particulier d’un échange plus large, plus complexe et plus riche, l’échange symbolique, dans lequel l’individu optimise certes ses ressources économiques mais également ses ressources psychologiques et symboliques.

L’échange symbolique se caractérise par une circulation de biens dont la finalité n’est pas d’abord utilitaire (consommer, s’enrichir) mais anthropologique (exister et se faire reconnaître comme donateur). Marcel Mauss écrit :"Refuser de donner équivaut à déclarer la guerre, c’est refuser l’alliance et la communion". Et tout don reçu oblige ! Le donataire devra ultérieurement (mais sans précision de date) "rendre la politesse" sous forme d’un contre-don qui manifestera son statut et sa générosité.

En termes systémiques, un tel échange se représente par une boucle de rétroaction ago-antagoniste. Normalement stabilisatrice, une telle boucle peut en effet s'emballer sous certaines conditions, donateur et donataire rivalisant alors dans une escalade de dons/contre-dons (*)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fait social total, débordant largement le champ économique, l’échange symbolique met beaucoup plus l’accent sur la relation instaurée entre donateur et donataire que sur le contenu du don. A la différence de l’échange marchand, cette relation est dissymétrique ; elle est à la fois réciproque (car le donataire répond toujours par un contre-don) et complémentaire ( le don excède généralement le contre-don, le donataire reconnaissant ainsi son statut d’obligé ou position basse par rapport au donateur qui occupe la position haute).

 

1 – 2) La théorie de l’information et ses limites

Formalisée au plan mathématique par les américains Shannon et Weaver à des fins d’amélioration des transmissions téléphoniques, cette théorie est de facture rigoureusement analytique et causaliste, à l’image du modèle dominant dans les sciences de la matière. Elle conçoit la communication comme un mécanisme cybernétique entre quatre entités distinctes : un émetteur et un récepteur reliés par un canal dans lequel circulent des messages.

 

 

 

 

CANAL

 

Ce mécanisme cybernétique satisfait aux principes de mise en œuvre suivants :

Principe d’extériorité ou de séparation : les composants ne se compénétrent pas. Le message est distinct de l’émetteur et du récepteur ainsi que du canal. Les éléments qui le composent sont discrets, chacun pouvant en dernière analyse se ramener à la forme binaire du oui/non, unité de mesure (en bit) de l’information transmise. On dit que le message est digital.

Principe de séquentialité : l’opération de communication est univoque. A un moment de la séquence, la transmission ne s’effectue que dans un seul sens (même si l’écoulement peut s’inverser à un autre moment). De ce fait, émetteur et récepteur ne sont pas, dans l’instant, en situation réciproque.

Principes de conservation et de dégradation de l’information : ils sont complémentaires l’un de l’autre. L’objectif est la transmission parfaite, c’est à dire la conservation intégrale du message de l’émetteur au récepteur. Mais des interventions extérieures peuvent venir contrarier cette conservation du message, introduisant dans celui-ci des impuretés que l’on appelle « bruits ». Le message perd alors en contenu informatif et peut même devenir incompréhensible pour le destinataire.

 

A ce stade de l’analyse, le problème se déplace vers les conditions d’une bonne transmission. Qu’est-ce qui va faire qu’une suite d’unités discrètes d’information va atteindre le destinataire sans être déformée ? Les conditions à respecter concernent le canal et le message.

le canal : Il est la source quasi exclusive du bruit venant interférer avec le message. Sur une ligne téléphonique, ce bruit peut provenir de perturbations atmosphériques (orages,…) ou d’environnement (machines,…). Une cause importante de bruit tient également au nombre de relais qui sont nécessaires pour répéter le message, répétition nécessaire pour éviter au message de s’éteindre.

le message : Pour pouvoir circuler dans le canal, le message doit être codé à l’entrée puis décodé à la sortie. On suppose, et c’est là un des postulats les plus discutables de la théorie lorsqu’il va s’agir de communication inter-humaine, que codeur et décodeur sont identiques, c’est à dire participent d’un même langage totalement transparent, univoque et sans ambiguïté.

 

Cette dernière remarque, survenant après plusieurs autres, conduit à douter de la pertinence du modèle pour représenter correctement la communication inter-humaine, même s’il nous apporte d’utiles instruments d’analyse. Les fondateurs de la théorie de l’information étaient eux-même conscients de cette limite, contrairement à nombre de leurs épigones. « On oublie que Claude Shannon et Norbert Wiener ont autrefois démenti spécifiquement que leur théorie soit pertinente du processus de communication humaine. On oublie que Shannon pensait principalement à la transmission et à l’acquisition de signaux électroniques »

1 – 3 ) Les fondements de la théorie systémique de la communication

Contre le modèle de l’information, suggéré par la métaphore de la ligne téléphonique et qui réduit la communication inter-humaine à un échange de messages séquentiels à contenu purement digital, le groupe de Palo Alto propose un autre modèle, fondé sur la métaphore de l’orchestre de jazz où dans l’euphorie de l’improvisation, chaque musicien joue en s’accordant en permanence sur les autres. "Ce modèle de la communication n’est pas fondé sur l’image du téléphone ou du ping-pong –un émetteur envoie un message à un récepteur qui devient à son tour un émetteur- mais sur la métaphore de l’orchestre…Mais dans ce vaste orchestre culturel, il n’y a ni chef ni partition. Chacun joue en s’accordant sur l’autre". On ne saurait mieux dire ! La suite de la démarche consistera à tirer toutes les conséquences logiques de cette métaphore.

Dans un tel modèle, l’accent n’est pas mis d’abord sur les acteurs de la communication (destinateur et destinataire car ils se trouvent en perpétuelle interaction et ne peuvent être isolés), ni sur le message communiqué (car on va voir qu’il est largement insaisissable tant dans sa forme que dans son contenu), mais sur l’ensemble du système compris comme un réseau indissociable de relations (principe de globalité systémique). Tout homme en venant au monde se trouve ainsi pris dans ce réseau de relations tissé par la socio-culture. Sa situation est semblable à celle du nouveau musicien qui reçoit un instrument et à qui on demande de se joindre à l’improvisation. Pour lui, ne pas émettre de son c'est encore jouer en produisant… un silence, silence qui sera aussitôt interprété et repris par les autres musiciens."Il n'existe pas de non comportement, même le silence, même la posture du schizo recroquevillé au stade de la catatonie sont un message. L'espace humain est sémiotique et saturé d'affects ; notre espèce ne naît pas dans les choses, mais toujours dans les signes, c'est à dire dans le sens". C’est pourquoi "on ne peut pas ne pas communiquer" comme le dit Paul Watzlawick dans l’ouvrage princeps de la nouvelle approche qui n’a pas fini de bouleverser les sciences humaines. Tout l’ouvrage consiste d’ailleurs à définir les caractéristiques de la communication inter-humaine, caractéristiques de portée absolument générales car de nature anthropologique.

Pour Watzlawick "toute communication présente deux aspects : le contenu (c’est à dire l’information échangée) et la relation, tels que le second englobe le premier". Et il précise : "C’est mon intuition personnelle qu’un cinquième peut être, de toute communication humaine sert à l’échange de l’information, tandis que le reste est dévolu à l’interminable processus de définition, confirmation, rejet et redéfinition de la nature de nos relations avec les autres". Si on prend au sérieux cette affirmation, on se trouve conduit à dire que ce qui est important dans la communication n’est pas le message échangé (encore qu’il en faille un) mais la relation de circularité qui se noue entre les protagonistes engagés dans cette communication.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

On reconnaît là une boucle de rétroaction, chère à la pensée systémique, mais aussi la figure de base de l’échange symbolique des ethnologues. On sait en systémique qu’une telle boucle doit être étudiée dans sa globalité dynamique en se refusant absolument à disjoindre les deux pôles (ouvrir la boucle constitue même l’erreur majeure et impardonnable !). L’important dans un tel échange est la relation elle-même bien davantage que les messages qui la matérialisent et la signifient. On peut dire, d’une certaine manière, que le message n’est rien d’autre que l’expression matérielle revêtue par la relation ; un physicien parlerait de « relation cristallisée ». C'est pourquoi en communication inter-humaine et s'agissant des messages échangés, la question herméneutique (c'est-à-dire l'interprétation des messages) est véritablement centrale.

1 – 4 ) De quelques concepts de la théorie de la communication

A partir des fondements qui viennent d’être présentés, il est possible de prolonger l’exploration du modèle en précisant quelques concepts.

1. Analogique et digital : La distinction posée par Watzlawick sur les deux aspects (relationnel et informatif) de la communication, le premier englobant le second, peut être enrichie par une seconde distinction qui la recouvre partiellement et la précise :

la communication digitale concerne tout ce qui est de l’ordre de la parole qui décrit et qui organise, du concept, de la carte et du schéma, du nombre. Il s’agit d’un langage qui dispose d’une syntaxe logique complexe et très commode. Bien adapté à la transmission du contenu de la communication (l’information), ce langage est en revanche déficient chaque fois que la relation est au centre de la communication.

La communication analogique concerne pratiquement tout le reste, c’est à dire le corps, le geste, la mimique, l’intonation, la place, le rôle et plus largement tous les actes posés par la personne et susceptibles de prendre sens dans le processus de communication. Extraordinairement divers, composites et se déployant dans la durée, les actes sont une forme très puissante de communication analogique, forme très souvent occultée dans les exposés sur la communication. On peut inclure aussi la parole poétique dans cette forme de communication, car son ambition n’est pas de décrire mais d’évoquer et d’émouvoir. C’est dire que dans l’ordre du mot et du verbal, le glissement du digital à l’analogique est quelquefois très ténu.

Watzlawick pense que l’analogique plonge ses racines dans des périodes archaïques de l’évolution humaine et qu’il a de ce fait une validité plus large que le langage digital, relativement récent et plus abstrait. Mais son défaut est d’être dépourvu d’une syntaxe univoque pour qualifier de manière claire la nature des relations.

Dans le vécu de la communication, l’homme se trouve dans l’obligation de combiner ces deux langages et il doit continuellement les traduire l’un dans l’autre. Comme l’observe Watzlawick : « La difficulté de traduction existe dans les deux sens. Il ne peut y avoir traduction du langage digital en langage analogique sans une perte importante d’information. L’opération contraire présente également des difficultés considérables : pour parler sur la relation, il faut pouvoir trouver une traduction adéquate de la communication analogique en communication digitale ».

 

2. Indiciel et iconique : Sur la base de la distinction précédente, est-il possible de pousser un peu plus loin l’analyse ? Il semble que oui si l’on veut bien se rappeler que les sémiologues distinguent deux types de communication analogique :

l’indiciel caractérise une communication dans laquelle le message fait corps avec son médium, le signe avec la chose signifiée. L’échange viral est un exemple de cette communication indicielle qui tend à confondre le médium, le  "message" et les partenaires de l’échange. Le virus de la peste n’est pas la peste mais il en est potentiellement porteur lors de l’échange. Sur le mode de la "présence réelle" l’indiciel joue ainsi sur les échanges vitaux, le registre des affects et des interrogations existentielles.

l’iconique caractérise une communication dans laquelle le médium est un signe "ressemblant" à la chose communiquée mais n’est pas la chose. Il évoque directement la chose par sa forme ou son apparence, et sans passer par la médiation des mots. La communication iconique est à la base de la plupart des arts et des rituels, lesquels par leur grande puissance d’évocation réussissent à faire communier les hommes là où la parole se montre impuissante.

Explicitons ces différents modes de communication au moyen d'un exemple emprunté à la vie courante et qui est celui de la relation amoureuse. Lorsque des amoureux échangent un baiser, ils sont dans l'indiciel; quand ils se font des cadeaux, ils sont dans l'iconique; lorsqu'il s'adressent des lettres d'amour, ils sont dans le digital.

 

3. Symétrique et complémentaire : Il s’agit ici de décrire des relations fondées soit sur la ressemblance, soit sur la différence. Dans la première, les protagonistes cherchent à minimiser la différence, dans la seconde à la maximiser.

relation symétrique : les partenaires ont tendance à adopter un comportement en miroir. Un tel comportement s’observe par exemple dans les phénomènes de rivalité et de concurrence ; il n’est pas sans évoquer ce que René Girard appelle le désir mimétique.

relation complémentaire : le comportement de l’un des partenaires complète celui de l’autre. Dans cette relation, il y a deux positions possibles : la supérieure ou haute, l’inférieure ou basse. Il ne faut pas voir dans ces termes, qui sont très commodes, une connotation morale. Le contexte social ou culturel prescrit d’ailleurs dans de nombreux cas une relation complémentaire : par exemple mère/enfant, médecin/malade, professeur/élève.

Relations symétriques et complémentaires peuvent être le lieu de troubles pathologiques venant affecter gravement la communication : escalade pour la symétrie (la réciprocité mauvaise de René Girard), rigidité pour la complémentarité (structures d’oppression par exemple). Ces effets manifestent le caractère ago-antagoniste de la boucle de communication qui peut tout aussi bien déboucher sur un équilibre (sain ou pathologique) que sur un déséquilibre explosif.

 

 

4. Ponctuation de la séquence des échanges : Il s’agit de l’effet pervers que provoque un des partenaires (ou un observateur extérieur) lorsqu’il veut de toute force traiter la boucle de rétroaction du processus communicationnel sur le mode de la causalité linéaire… c’est à dire faire retour à la théorie de l’information.

Entre destinateur et destinataire existe un flux continu et ininterrompu (analogique et digital) de communication. Parler alors de commencement et de fin pour désigner un des moments de ce flux circulant n’a strictement aucun sens. Il faut abandonner l’idée qu’un événement a est premier et qu’un événement b est déterminé par l’existence de a, car on pourrait tout aussi bien prétendre l’inverse selon le point, arbitraire, où l’on choisit de couper la boucle de rétroaction.

Il se trouve cependant que les êtres humains engagés dans une interaction ont constamment recours à ce type de raisonnement. Appliquant spontanément la théorie de l’information, ils cherchent à isoler dans le flux des messages des séquences plus ou moins identifiables. Leur tentation est alors d’introduire une ponctuation dans ces séquences, par exemple une émission de A qui va produire sur B un effet (on se trouve alors autorisé à parler de la « psychologie » de B), lequel B répondra par une ré-émission vers A,…et ainsi de suite. L’ennui est que cette ponctuation, vue par chacun des partenaires, n’est pas forcément identique, même si nous avons heureusement en commun lorsque l’on appartient à une même culture, beaucoup de conventions de ponctuation (ce qui permet de structurer nombre d’interactions à la fois banales et importantes).

Le désaccord sur la manière de ponctuer une séquence d’échanges est à l’origine d’innombrables conflits qui portent sur la relation. Watzlawick note que dans la psychothérapie des couples, on est souvent frappé de cette "distorsion de réalité" chez les deux partenaires. Les relations sociales dans les entreprises, les relations politiques, les relations internationales, abondent de modèles pathologiques analogues (par exemple la lutte des classes, la course aux armements, etc.).

5. Méta-communication et recadrage : Lorsque nous prenons conscience du caractère totalisant de la communication (la métaphore de l’orchestre) et de la logique qui sous-tend les interactions, nous ne cessons pas pour autant de faire partie du système, mais nous communiquons alors sur la communication.

Cette méta-communication peut s’avérer particulièrement utile pour sortir d’une situation de blocage de la communication. C’est par exemple le cas d’un débat entre spécialistes n’ayant pas étalonné leur vocabulaire ; une méta-communication sur la terminologie, au moyen du langage naturel et venant en préliminaire de l’échange des arguments sur le fond, a alors de grandes chances de débloquer la situation.

Quand la pathologie concerne la relation, le déblocage est autrement plus délicat. Il n’existe pas dans ce cas un langage pour méta-communiquer, contrairement à l’exemple précédent. Nous nous trouvons en effet limités au langage naturel pour véhiculer à la fois communication et méta-communication. Et la pathologie relative à la communication vient contaminer en permanence les tentatives pour méta-communiquer, ce que les psychothérapeutes connaissent d’expérience.

Il arrive cependant que pour des partenaires engagés dans une communication déficiente, la découverte d’une voie possible pour méta-communiquer les conduise à voir de manière tout à fait nouvelle la situation….et à imaginer des réponses qui sortent entièrement le problème de son cadre logique d’origine. Ce processus a été décrit par Watzlawick sous le nom de recadrage. Il n’est sans doute pas étranger aux phénomènes spirituels connus sous le nom de conversions.

2 - Communication et herméneutique

 

Même si, comme le pense Watzlawick, la communication digitale est d'origine relativement récente, il n'en demeure pas moins que son rôle est essentiel dans l'histoire de l'humanité ; en particulier à partir du moment où grâce à l'invention de l'écriture vont apparaître les grandes civilisations. Elle intervient en complexifiant considérablement le jeu des relations inter-humaines, en le rendant encore plus impénétrable et imprévisible car l'ouvrant plus largement sur l'ordre symbolique, ce nouvel univers qui caractérise l’espèce humaine prise dans sa totalité, et au sein duquel les choses et l'histoire peuvent prendre sens. C'est cela que je souhaite maintenant montrer.

 

2 – 1 ) Par delà le réductionnisme linguistique, l'au-delà du sens

Les systémiciens se sont assez peu intéressés à la linguistique et lorsqu'ils l'ont fait, ce fut pour en dénoncer le caractère réducteur, pour ne pas dire totalitaire, car oublieux du contexte communicationnel dans lequel s'inscrit tout échange verbal. "La linguistique contemporaine éprouve des difficultés à théoriser le contexte" note François Rastier. Et pour lui le contexte renvoie non seulement aux positions respectives du destinateur et du destinataire, à la nature de leurs relations exprimée davantage sous forme analogique que digitale comme précédemment montré, mais aussi à l'univers commun de leurs représentations. Même le message digital le plus rigoureusement codifié, comme se veut être par exemple un article scientifique, ne peut s'interpréter indépendamment de son contexte ; et à fortiori en va-t-il du langage naturel qui est toujours polysémique et ambigu.

Ambivalence des énoncés, filtrage du destinataire, stratégie de mise en valeur de soi ou de manipulation d'autrui,…la communication digitale est un acte hautement complexe qui ne saurait se réduire à la conception transparente qu'en donne la théorie de l'information. Il y a en elle une irréductible obscurité, une équivocité du sens qui rendent indispensables, de la part du destinataire, un travail sans cesse recommencé d'interprétation.

 

Réfléchissant sur les conditions de ce travail et soucieux de dépasser le discours classique de la linguistique, François Rastier est conduit à définir quatre ordres ou niveaux de description:

l'ordre syntagmatique renvoie à tout ce qui touche à la mise en forme du langage aussi bien dans son cadre temporel (linéarisation vocale) que spatial (linéarisation écrite). La syntaxe en fait naturellement partie.

l'ordre référentiel engage traditionnellement les rapports entre d'une part les signes du langage (les signifiants) et d'autre part les concepts et les choses (les signifiés et les référents).

Pour Rastier, "la linguistique contemporaine a voulu se limiter à l'ordre syntagmatique, abordé par la syntaxe, et à l'ordre référentiel, identifié sans raisons à la sémantique… et son positivisme…l'a conduite à ne pas considérer comme observables les ordres paradigmatique et herméneutique" dont il va être question maintenant.

l'ordre paradigmatique est celui de l'association codifiée. Une unité linguistique n'existe pas en soi ; elle ne prend sa valeur que relativement à d'autres qui sont commutables avec elle, qui lui sont voisines et qui forment son paradigme de définition. De proche en proche, c'est même l'ensemble des éléments de la langue qui se trouve visé (principe de globalité). Cette caractéristique des langues, qui concerne aussi bien leurs signifiés que leur signifiants, ouvre une richesse illimitée de combinaisons qui rend possible la plurivocité des significations, telles qu'on la rencontre par exemple dans le langage symbolique ou poétique.

l'ordre herméneutique concerne les conditions de production et d'interprétation des textes. Il renvoie, selon Rastier, aux phénomènes de la communication inter-humaine tels que présentés dans la précédente section ; "mais il les dépasse car il inclut (aussi) les situations de communication codifiée, différée et non nécessairement interpersonnelle. Il est inséparable de la situation historique et culturelle de la production et de l'interprétation". Comme il sera montré au prochain paragraphe, il renvoie à un "univers symbolique", de nature sociale et culturelle, qui déborde les situations particulières du rédacteur et des lecteurs, lesquels sont toujours conditionnés par leur appartenance, souvent inconsciente, à cet univers d'où ils ont reçu leurs premières représentations et manières de voir le monde.

 

Ordres paradigmatique et surtout herméneutique traduisent ainsi l'extraordinaire complexité attachée à la lecture et à l'interprétation d'un texte dont le sens ne saurait préexister en dehors de ses conditions d'énonciation et de réception. Selon Hans Georg Gadamer, trois caractéristiques président à tout travail d'interprétation, relevant d'une véritable ontogenèse du sens pour le lecteur :

un aller/retour perpétuel, en forme de boucle de rétroaction, entre le lecteur qui anticipe le sens et le texte lui-même. "Quiconque veut comprendre un texte a toujours un projet. Dès qu'il se dessine un premier sens dans le texte, l'interprète anticipe un sens pour le tout… C'est dans l'élaboration d'un tel projet anticipant, constamment révisé il est vrai sur la base de ce qui ressort de la pénétration ultérieure du texte, que consiste la compréhension de ce qui s'offre à lire" (Gadamer, p.104).

un va-et-vient continuel du tout à la partie et de la partie au tout (encore une boucle de rétroaction !), va-et-vient qui se stabilisera avec la venue de la cohérence. "La justesse de la compréhension a toujours pour critère la concordance de tous les détails avec le tout. Si cette concordance fait défaut, c'est que la compréhension fait défaut" (Gadamer, p.131).

une cohérence nécessaire mais qui n'a rien d'absolu et doit rester ouverte à la ré-interprétation. "La mise en lumière du sens véritable contenu dans le texte… n'arrive pas à son terme en un point précis. C'est en vérité, un processus illimité… il naît sans cesse de nouvelles sources de compréhension qui révèlent des rapports de sens insoupçonnés"  (Gadamer, p.138).

Ainsi, l'interprétation d'un texte ne découle pas mécaniquement de l'analyse logique de l'assemblage de ses signifiants, elle ne peut jamais être donnée une fois pour toutes ni prétendre à une totale transparence (contrairement à l'illusion d'une "langue parfaite" et à ce que suggère la théorie de l'information). Cette interprétation débouche nécessairement sur la production de nouvelles significations, et ce, du fait de la causalité circulaire instaurée entre le texte et son "contexte". C'est même à cette capacité de ré-interprétation, particulièrement lorsqu'il s'agit de "grands textes" (Ecritures fondatrices d’une religion par exemple), que l'on voit généralement qu'un tel texte est à la source d'une tradition vivante.

 

Sous le nom de boucle herméneutique, le processus qui vient d'être décrit peut se schématiser par une boucle de rétroaction potentiellement ago-antagoniste, c'est-à-dire pouvant suivant les circonstances et les moments, jouer en faveur:

d'une lecture littérale et figée (rétroaction stabilisatrice dite négative). La cohérence du texte élimine les interprétations déviantes et l'interprétation orthodoxe vient confirmer la littéralité du texte. S'agissant d'un texte religieux, cela s'appelle une lecture fondamentaliste.

d'une lecture ouverte et évolutive (rétroaction amplificatrice dite positive). La polysémie du texte autorise une pluralité d'interprétations et une interprétation nouvelle, rendue possible par les évolutions survenues dans l'environnement socioculturel, ouvre sur le texte des aperçus insoupçonnés jusqu'alors. Ainsi, par exemple, de la lecture psychanalytique des Evangiles faite par Françoise Dolto.

 

 

Validation d'une cohérence

 

 

 

Produit Fabriqué par le

par l'auteur lecteur sous les

dans un cadre influences de la

socioculturel socioculture de

particulier son lieu et de son époque

 

 

 

 

Projection d'un sens

 

 

2 –2 ) L'univers symbolique

L'importance des ordres paradigmatique et herméneutique dans la communication digitale conduit à mettre l'accent sur l'univers des représentations, ce troisième monde de Karl Popper, monde symbolique extérieur aux acteurs (locuteurs et interprètes) de la communication et qui s'impose à eux. Contrairement à une vision purement individualiste du comportement de l'acteur, supposé producteur autonome de ses idées et qui déciderait librement selon ses intérêts (c'est le postulat de base du libéralisme économique et de la sociologie des organisations), celui-ci agit le plus souvent sous l'emprise de représentations sociales (croyances, normes, modèles, valeurs,…) plus ou moins profondément intériorisées (sous formes consciente et inconsciente) et qui lui dictent ce qu'il convient de faire dans les diverses circonstances de la vie. Agir autrement reviendrait pour l'acteur à se couper de sa société et de son groupe d'appartenance, groupe au sein duquel il puise les éléments de son identité sociale et dont dépend son existence en tant que personne.

A cet ensemble de représentations sociales, les anthropologues ont depuis longtemps donné le nom de culture, notion essentielle pour qui veut comprendre le fonctionnement d'une société et que l'UNESCO a repris en 1982, dans sa définition de la culture. Que l'univers symbolique de la culture conditionne fortement, voire détermine de manière quasi-impérative le comportement des hommes, voilà qui peut sembler évident. Mais d'où provient alors la "consistance" d'un tel univers qui semble se tenir au-dessus des acteurs, dans une sorte de transcendance à l'image du ciel platonicien des idées ?

Pour les positivistes, tenants du réductionnisme individualiste, un tel univers symbolique n'a qu'une apparence d’existence. Seuls existent les individus, et la culture comme la société ne sont rien d'autre que le résultat de leurs rencontres aléatoires et fugaces. Contre ce réductionnisme, nombreux sont les systémiciens à avoir élevé une protestation et proposé une réponse plus subtile, bien dans l'esprit de la vision globale et émergentiste de la systémique. Cette réponse s'exprime par une boucle de rétroaction, naturellement ago-antagoniste et dans laquelle s'articulent en permanence culture et jeu des acteurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par leurs pratiques, leurs conflits, leurs ajustements, les acteurs construisent (de manière intentionnelle et non intentionnelle) des représentations, des normes, des règles, des valeurs. Ceci est représenté par la flèche 1 qui en quelque sorte fait émerger la culture du "bruit" des acteurs (conformément au principe de Von Foerster).

Les représentations, cristallisées en corpus culturel, viennent à leur tour contraindre, orienter ou limiter les comportements des acteurs. Ceci est traduit par la flèche 2, expression des conditionnements que la culture fait peser, de par sa seule existence et sans contrainte par corps, sur le jeu des acteurs.

Un tel ajustement est à concevoir comme une recherche perpétuelle d'équilibration se déroulant dans le temps. Comme pour toute boucle ago-antagoniste, cet ajustement s'exprimera suivant le cas sous forme d'une tendance au maintien du statu-quo (rétroaction négative) ou d'un processus cumulatif de changement (rétroaction positive). Emanation des acteurs sur la longue durée, la culture se présente ainsi comme les surplombant et s'imposant à eux dans l'immédiat.

 

2 – 3 ) Les quatre grandes modalités du langage digital

La complexité de la communication digitale, dont on vient de prendre la mesure, se trouve encore accrue du fait que suivant les lieux, les moments et les circonstances de la vie, elle est susceptible de revêtir plusieurs modalités. Pour les besoins de l'analyse, on peut identifier quatre grands idéaux-types de langage digital : expressif, performatif, argumentatif et informatif. Bien entendu, ces types purs se trouvent toujours présents, selon des proportions variables, dans une communication réelle. On peut supposer qu’aux origines de l'humanité ces modalités langagières étaient indifférenciées, c'est à dire que la parole humaine mélangeait indistinctement les quatre registres. Mais le mouvement de l'histoire et l'avènement des premières grandes civilisations, avec en particulier l'invention de l'écriture, ont conduit peu à peu à une spécialisation de ces modes de communication .

 

le mode expressif : C’est sans doute le plus proche de la communication analogique. Il vise à exprimer les sentiments, l'émotion et à faire advenir chez l'auditeur une émotion semblable. On va y rencontrer tout ce qui relève du conte, du récit, du mythe, mais aussi de la poésie dont le discours rythmé se prête au chant et à l'accompagnement musical ou dansant. Dans les sociétés modernes, le mode expressif va nourrir l'univers de la littérature.

 

le mode performatif : La parole n'est plus ici considérée comme l'expression d'une pensée. Elle se définit comme la recherche d'une "transformation" dans une relation entre deux ou plusieurs personnes. Bien loin de rester au seul niveau des représentations, la parole opère directement par elle-même. "Dire, c'est faire" selon la formule du linguiste et philosophe britannique John Austin qui le premier a mis en évidence cette propriété. Ses travaux portaient sur les verbes performatifs, c'est à dire ceux qui ont pour caractéristique d'effectuer une action par le seul fait d'être prononcés : je promets, je m'engage, je donne ma parole, je déclare la séance ouverte, je te baptise, je te prends pour épouse, je signe (une pétition), etc. Après le prononcé d'une telle parole, rien n'est plus comme avant. La parole a été dite et il est très difficile de faire marche arrière ou comme on dit de se dédire.

On peut supposer que dans les sociétés archaïques, ce rôle performatif de la parole a été très important pour structurer, sous forme contractuelle, les alliances matrimoniales, les rapports entre groupes, les traités entre tribus et entre cités. Le droit peut être considéré, à certains égards, comme l’héritier du mode performatif.

 

le mode informatif : Selon Edgar Morin, il émerge dès le paléolithique pour les besoins des grandes chasses, lesquelles supposent de mettre en œuvre des coordinations délicates et précises. Mais c'est dans les cités-Etats de l'Antiquité, avec l'invention de l'écriture, que le mode informatif va connaître un grand saut quantitatif. Véritable mémoire collective externalisée, rendue nécessaire par la multiplication des biens et la spécialisation des tâches, l'écriture remplit une fonction d'inventaire et d'enregistrement. Exigeant un lexique et un code communs, l'écriture porte déjà en germe ce que deviendra la communication informationnelle dans les sociétés modernes, avec l'invention de l'informatique et de toutes les techniques qui lui sont associées.

Recherchant, à l'image de la logique mathématique, la "langue parfaite" fondée sur un code rigoureux et parfaitement univoque, prétendant à la transparence quasi-totale du message, la communication informationnelle obéit sur bien des points à la théorie de l'information. L'homme y est considéré comme un dispositif à traiter de l'information, dont le fonctionnement nous est sans doute encore en partie inconnu, mais qu'à force de travail la science réussira un jour à expliquer. Il apparaît sans véritable intériorité, à la fois totalement social et sans enracinement communautaire; la communication analogique est niée et la rencontre physique réduite à une consommation des corps.

 

le mode argumentatif : Sous l'appellation de rhétorique, ce mode émerge peu à peu au cours de l'Antiquité grecque. Selon Philippe Breton, "la rhétorique est inventée en Sicile grecque, au 5ème siècle avant JC, dans le cadre de procès en propriété où les citoyens doivent convaincre des jurys populaires de la légitimité de leurs droits. Les rhéteurs mettent au point à cette époque l'ordre canonique des parties du discours, c'est à dire le standard d'exposition qui est censé être le plus persuasif". Depuis l'Antiquité et jusqu'à aujourd'hui, le paradigme argument





Un ou une ,De,DES DIALECTIQUE Theatrale

25/07/2012 15:56

Un ou une ,De,DES DIALECTIQUE  Theatrale


 

- la loi du passage de la quantité à la qualité et inversement;

- la loi de l'interpénétration des contraires;

- la loi de la négation de la négation.

 

Toutes trois sont développées à sa manière idéaliste par Hegel comme de pures lois de la pensée : la première dans la minière partie de la Logique, dans la doctrine de l'Être ; la seconde emplit toute la deuxième partie, de beaucoup la plus importante, de sa Logique, la doctrine de l'Essence ; la troisième enfin figure comme loi fonda­mentale pour l'édification du système tout entier. La faute consiste en ce que ces lois sont imposées d'en haut à la nature et à l'histoire comme des lois de la pensée au lieu d'en être déduites. Il en résulte toute cette construction forcée, à faire souvent dresser les cheveux sur la tête : qu'il le veuille ou non, le monde doit se conformer à un systè­me logique, qui n'est lui-même que le produit d'un certain stade de dévelop­pe­ment de la pensée humaine. Si nous inversons la chose, tout prend un aspect très simple, et les lois dialectiques, qui dans la philosophie idéaliste paraissent extrême­ment mystérieu­ses, deviennent aussitôt simples et claires comme le jour.

 

D'ailleurs quiconque connaît tant soit peu son Hegel sait bien que celui-ci, dans des centaines de passages, s'entend à tirer de la nature et de l'histoire les exemples les plus péremptoires à l'appui des lois dialectiques.

 

Nous n'avons pas ici à rédiger un manuel de dialectique, mais seulement à mon­trer que les loi§ dialectiques sont de véritables lois de développement de la nature, c'est-à-dire valables aussi pour la science théorique de la nature. Aussi ne pouvons-nous entrer dans l'examen. détaillé de la connexion interne de ces lois entre elles.

 

1. Loi du passage de la quantité à la qualité et inversement. Nous pouvons, pour notre dessein, exprimer cette loi en disant que dans la nature, d'une façon nettement déterminée pour chaque cas singulier, les changements qualitatifs ne peuvent avoir lieu que par addition ou retrait quantitatifs de matière ou de mouvement (comme on dit, d'énergie).

 

Toutes les différences qualitatives dans la nature reposent soit Sur Une compo­si­tion chimique différente, soit sur des quantités ou des formes différentes de mouve­ment (d'énergie), soit, ce qui est presque toujours le cas, sur les deux à la fois. Il est donc impossible de changer la qualité d'aucun corps sans addition ou retrait de matiè­re ou de mouvement, c'est-à-dire sans modification quantitative du corps en question. Sous cette forme, la mystérieuse proposition de Hegel n'apparaît donc pas seulement tout à fait rationnelle, mais même assez évidente.

 

Il est sans doute à peine nécessaire d'indiquer que même les différents états allo­tro­piques et d'agrégation des corps reposent, parce qu'ils dépendent d'un groupement molé­culaire différent, sur une quantité plus ou moins grande du mouvement commu­niqué à ces corps.

 

Mais que dire du changement de forme du mouvement ou, comme on dit, de l'éner­gie ? Lorsque nous transformons de la chaleur en mouvement mécanique ou in­ver­­se­­ment, la qualité est pourtant modifiée et la quantité reste la même ? Tout à fait exact. Mais il en est du changement de forme du mouvement comme du vice de Heine: chacun pour soi peut être vertueux, mais pour le vice il faut toujours être deux [1]. Le changement de forme du mouvement est toujours un processus qui s'effec­tue entre deux corps au moins,, dont l'un perd une quantité déterminée de mouvement de la première qualité (par exemple de chaleur), tandis que l'autre reçoit une quantité correspondante de mouvement de l'autre qualité (mouvement mécanique, électricité, décomposition chimique). Quantité et qualité se correspondent donc ici de part et d'autre et réciproquement. jusqu'ici on n'a pas réussi à l'intérieur d'un corps singulier isolé à convertir du mouvement d'une forme dans l'autre.

 

Il n'est question ici pour l'instant que de corps inanimés; la même loi est valable pour les corps vivants, mais elle procède en eux dans des conditions très complexes, et aujourd'hui encore la mesure quantitative nous est souvent impossible.

 

Si nous nous représentons un corps inanimé quelconque divisé en particules de plus en plus petites, il ne se produit tout d'abord aucun changement qualitatif. Mais il y a une limite : si, comme dans l'évaporation, nous parvenons à libérer les molécules isolées, nous pouvons certes, dans la plupart des cas, continuer encore à diviser celles-ci, mais seulement au prix d'un changement total de la qualité. La molécule se décompose en ses atomes, qui ont isolément des propriétés tout à fait différentes de celles de la molécule. Dans le cas des molécules qui se composent d'éléments chimi­ques différents, la molécule composée est remplacée par des molécules ou des atomes de ces corps simples eux-mêmes; dans le cas des molécules des éléments apparaissent les atomes libres, qui ont des effets qualitatifs tout à fait différents: les atomes libres de l'oxygène à l'état naissant produisent en se jouant ce que les atomes de l'oxygène atmosphérique liés dans la molécule ne réalisent jamais.

 

Mais la molécule elle-même est déjà qualitativement différente de la masse du corps physique dont elle fait partie. Elle peut accomplir des mouvements indépen­dam­ment de cette masse et tandis qu'en apparence celle-ci reste en repos, par exemple des vibrations caloriques; elle peut, grâce à un changement de position ou de liaison avec les molécules voisines, faire passer le corps à un état d'allotropie ou d'agrégation différent, etc.

 

Nous voyons donc que l'opération purement quantitative de la division a une limi­te, où elle se convertit en une différence qualitative : la masse ne se compose que de molé­cules, mais elle est quelque chose d'essentiellement différent de la molécule, comme celle-ci l'est à son tour de l'atome. C'est sur cette différence que repose la sépa­­ra­tion de la mécanique, science des masses célestes et terrestres, de la physique, mécanique des molécules, et de la chimie, physique des atomes.

 

Dans la mécanique, on ne rencontre pas de qualités ; tout au plus des états comme l'équilibre, le mouvement, l'énergie potentielle, qui tous reposent sur la transmission mesurable du mouvement et qui peuvent eux-mêmes s'exprimer quantitativement. Donc, dans la mesure où un changement qualitatif se produit, il est déterminé par un changement quantitatif correspondant.

 

En physique les corps sont traités comme chimiquement invariables ou indiffé­rents ; nous avons affaire aux modifications de leurs états moléculaires et au change­ment de forme du mouvement, changement qui, dans tous les cas, au moins d'un des deux côtés, met en jeu les molécules. Ici, toute modification est une conversion de la quantité en qualité, une conséquence d'un changement quantitatif de la quantité du mou­ve­ment, quelle qu'en soit la forme, qui est inhérent au corps ou qui lui est com­mu­­niqué.

 

 

        Ainsi, par exemple, le degré de température de l'eau est tout d'abord indifférent relative­ment à sa liquidité; mais, si l'on augmente ou diminue la température de l'eau liquide, il survient un point où cet état de cohésion se modifie et où l'eau se change d'une part en vapeur et d'autre part en glace. (HEGEL, Encycl., Éd. Complète, tome VI, p. 217 [2].)

 

 

Ainsi, il faut une intensité minimum déterminée du courant pour porter à l'incan­des­cence le fil de platine (de la lampe électrique) ; ainsi, chaque métal a sa tempéra­ture d'incandescence et de fusion, chaque liquide son point de congélation et son point d'ébullition, fixes pour une pression connue, - dans la mesure où nos moyens nous permettent de réaliser la température en question; ainsi, enfin, chaque gaz a lui aussi son point critique où la pression et le refroidissement le rendent liquide. En un mot, les soi-disant constantes de la physique ne sont en majeure partie pas autre chose que la désignation de points nodaux, auxquels un apport ou un retrait quantitatifs de mouvement entraînent dans l'état du corps  en question une modification qualitative, donc où la quantité se convertit en qualité.

 

Cependant le domaine dans lequel la loi de la nature découverte par Hegel connaît ses triomphes les plus prodigieux est celui de la chimie. On peut définir la chimie comme la science des changements qualitatifs des corps qui se produisent par suite d'une composition quantitative modifiée. Cela, Hegel lui-même le savait déjà (Logi­que, éd.. compl. III, p. 433) [3]. Soit l'oxygène: si, au lieu des deux atomes habi­tuels, trois atomes s'unissent pour former une molécule, nous avons l'ozone, corps qui par son odeur et ses effet se distingue d'une façon bien déterminée de l'oxygène ordi­naire. Et que dire des proportions différentes dans lesquelles l'oxygène se combine à l'azote ou au soufre et dont chacune donne un corps qualitativement différent de tous les autres ! Quelle différence entre le gaz hilarant (protoxyde d'azote N2O) et l'anhydride azotique (pentoxyde d'azote N2O5) ! Le premier est un gaz, le second, à la tempéra­ture habituelle, un corps solide et cristallisé. Et pourtant toute la différence dans la combinaison chimique consiste en ce que le second contient cinq fois plus d'oxygène que le premier. Entre les deux se rangent encore trois autres oxydes d'azote NO, N2O3, NO2), qui tous se différencient qualitativement des deux premiers et sont diffé­rents entre eux.

 

Ceci apparaît d'une façon plus frappante encore dans les séries homologues des carbures, notamment des hydrocarbures les plus simples. Des paraffines normales, la première de la série est le méthane CH4 ; ici les 4 valences de l'atome de carbone sont saturées par 4 atomes d'hydrogène. La seconde, l'éthane C2H6 comprend deux atomes de carbone qui ont échangé une valence, et les six valences libres sont saturées par six atomes d'hydrogène. Et ainsi de suite, CH8, CH10, etc., selon la formule algébri­que CnH2n+2, si bien qu'en ajoutant dans chaque cas CH2, on obtient chaque fois un corps qualitativement différent du précédent. Les trois premiers termes de la série sont des gaz; le dernier connu, l'hexadécane C16 H34, est un solide avec comme point d'ébul­lition 270º C. Il en est de même des alcools primaires de formule CH2n+2 O, (théoriquement) dérivés des paraffines, et des acides gras monobasiques (formule Cn H2n O2,). Quelle différence qualitative peut provoquer l'addition quantitative de CH6 ? L'expérience nous l'apprend si nous consommons de l'alcool éthylique C2 H6 O sous une forme assimilable quelconque sans addition d'autres alcools, et si une autre fois nous prenons le même alcool éthy­li­que, mais additionné légèrement d'alcool amylique C5 H12 O, qui constitue l'élément essen­tiel de l'infâme tord-boyaux. Notre tête s'en apercevra certainement le lende­main matin et à ses dépens; si bien qu'on pourrait dire que l'ivresse et ensuite le mal aux cheveux sont également la conversion en qualité d'une quantité... d'alcool éthylique d'une part, de ce C3 H6, ajouté d'autre part.

 

Cependant nous rencontrons dans ces séries la loi de Hegel sous une autre forme encore. Les premiers termes n'admettent qu'une seule disposition réciproque des atomes. Mais, si le nombre des atomes qui constituent une molécule atteint une gran­deur déterminée pour chaque série, le groupement des atomes dans la molécule peut s'opérer de façon multiple ; de la sorte on peut rencontrer deux corps isomères ou plus qui ont le même nombre d'atomes C, H, O par molécule, mais qui sont pourtant qualitativement différents. Nous pouvons même calculer combien il y a de tels isomères possibles pour chaque terme de la série. Ainsi dans la série de paraffines il y en a deux pour C4 H10, trois pour C5 H12 ; pour les termes supérieurs le nombre des isomères possibles augmente très rapidement. C'est donc ici derechef la quantité des atomes par molécule qui détermine la possibilité et, dans la mesure où elle est prou­vée par l'expérience, l'existence effective de tels corps isomères qualitativement différents.

 

Il y a plus De l'analogie des corps qui nous sont connus dans chacune des séries, nous pouvons tirer des conclusions sur les propriétés physiques des termes encore inconnus de la série et, tout au moins pour ceux qui suivent immédiatement les ter­mes connus, prédire avec une certaine certitude ces propriétés, point d'ébullition, etc.

 

Enfin la loi de Hegel n'est pas valable seulement pour les corps composés, mais aussi pour les éléments chimiques eux-mêmes. Nous savons maintenant « que les propriétés chimiques des éléments sont une fonction périodique de leurs poids atomiques ». (ROSCOE-SCHORLEMMER : Manuel complet de chimie, tome II, p. 823) [4], que leur qualité est donc déterminée par la quantité de leur poids atomique. Et la confirmation en a été fournie d'une façon éclatante. Mendeléiev démontra que dans les séries, rangées par poids atomiques croissants, des éléments apparentés, on rencontre diverses lacunes, qui indiquent qu'il y a là de nouveaux éléments restant à découvrir. Il décrivit à l'avance les propriétés chimiques générales d'un de ces élé­ments inconnus qu'il appela l'Ekaaluminium, parce qu'il suit l'aluminium dans la série qui, commence par ce corps [5], et il prédit approximativement son poids spécifique et atomique ainsi que son volume atomique. Quelques années plus tard Lecoq de Boisbaudran découvrait effectivement cet élément, et les prédictions de Mendeléiev se trouvèrent exactes à de très légers écarts près. L'Ekaaluminium était réalisé dans le gallium (ibid., p. 828). Grâce à l'application - inconsciente - de la loi hégélienne du passage de la quantité à la qualité, Mendeléiev avait réalisé un exploit scientifique qui peut hardiment se placer aux côtés de celui de Leverrier calculant l'orbite de la planè­te Neptune encore inconnue [6].

 

Dans la biologie comme dans l'histoire de la société humaine, la même loi se véri­fie à chaque pas, mais nous voulons nous en tenir ici à des exemples empruntés aux sciences exactes, puisque c'est ici que les quantités peuvent être exactement mesurées et suivies.



[1]      Engels a en vue la préface de Heine à la troisième partie du « Salon », écrite en 1837 et intitulée « Le Délateur ». (O.G.I.Z., Obs.).

[2]      En ce qui concerne le sixième tome du recueil allemand des œuvres de Hegel, le texte et la pagination coïncident entièrement entre la première édition (Berlin, 1840) et la deuxième édition (Berlin, 1843). Engels cite le sixième tome, semble-t-il, d'après la seconde édition. (O.G.I.Z., Obs.)

[3]      Engels indique les pages du troisième tome-du recueil allemand des oeuvres de Hegel d'après la deuxième édition. (Berlin, 1841.) (O.G.I.Z., Obs.)

[4]      ROSCOE-SCHORLEMMER: Manuel complet de chimie, tome Il, Brunswick, 1879. (N.R.)

[5]      Pour désigner les maillons manquants du système périodique des éléments, Mendeléiev proposait de se servir des noms de nombre sanscrits « eka », « dvi », « tri » « tchatour », en les employant comme préfixes du nom des éléments après les­quels ces maillons manquants devaient venir se ranger. (O.G.I.Z., Obs.)

[6]      Depuis, la loi hégélienne appliquée aux éléments a reçu d'autres brillantes confirmations, prolon­geant la découverte de Mendeléiev. Tout d'abord, la qualité chimique de l'élément est définie par le nombre de protons que renferme son noyau, tandis que sa variété isotopique, c'est-à-dire sa qualité nucléaire (ses propriétés radio­actives par exemple) ainsi que celles de ses propriétés physi­ques qui dépendent de sa masse atomique sont déterminées par le nombre de neutrons que contient le noyau. En outre, à partir d'une loi découverte par Pauli selon laquelle il ne peut exister dans un même atome deux électrons possédant les mêmes caractéristiques de mouvement, il est possible d'établir une règle quantitative donnant l'explication rationnelle (bien qu'encore impar­faite) du caractère périodique de la classification de Mendeléiev. (N.R.)

 






Nombre nuptial

14/07/2012 18:34



Forestier, Allemand, qui a pris la proportion triple et quadruple aux cÙtÈs, est bien loin de son compte car, en ce faisant, il ruine les fondements du nombre nuptial, qui est en raison double et triple, et met semblable proportion entre vingt-sept et soixante-quatre comme en trois et quatre†: chose impossible par nature, et contre les fondements de [la] mathÈmatique. Or il est bien certain que si on passe la quarte et la tierce, l'harmonie se perdra†; mais qui empÍchera de remplir le triangle du nombre nuptial, et continuer l'harmonie†? Car les mÍmes accords se trouveront que nous avons posÈs Ës quatre premiers nombres. [J'ajoute] aussi que du mariage de deux et trois s'engendre six, qui se trouve entre quatre et neuf, en mÍme raison que deux ‡ trois, qui est la quinte†; et pareillement, entre huit et vingt-sept nous trouvons la proportion et douceur harmonique†; et entre seize et quatre-vingt-un se trouveront tous bons accords. Et continuant toujours, en Ètendant les cÙtÈs du triangle, il n'y aura jamais discord†; en quoi faisant, les RÈpubliques seraient immuables et immortelles, si l'hypothËse de [p. 349] Platon Ètait vÈritable, que de l'harmonie des sons, dÈpend le changement ou ruine de la RÈpublique, et que, par nÈcessitÈ, de discord est causÈ. [Mais] plutÙt, on doit craindre cela quand les citoyens viennent ‡ [se] fourvoyer de l'harmonie naturelle des lois bien accordÈes, et des mœurs bien composÈes aux lois et coutumes iniques et pernicieuses. Je ne veux pas toutefois nier que l'harmonie n'ait grand effet ‡ changer une RÈpublique, et en cela Platon et Aristote s'accordent trËs bien, quoique CicÈron pense qu'il soit impossible que, pour les branles d'une RÈpublique changÈs, la RÈpublique prenne changement.
La Musique a grand pouvoir ‡ changer ou retenir l'Ètat. Car nous en avons un exemple mÈmorable de la RÈpublique des CynÈthenses en Arcadie, laquelle ayant laissÈ le plaisir de la Musique, bientÙt aprËs tomba en sÈditions et guerres civiles, auxquelles il ne fut oubliÈ aucune sorte de cruautÈ. Et, comme un chacun s'Ètonnait pourquoi ce peuple-l‡ devint si revÍche et si barbare, vu que tous les autres peuples d'Arcadie Ètaient doux, traitables et courtois ‡ merveilles, Polybe aperÁut le premier que c'Ètait pour avoir laissÈ la musique, laquelle de toute anciennetÈ avait toujours ÈtÈ honorÈe et prisÈe en Arcadie plus qu'en lieu du monde, de sorte que par les ordonnances et coutumes du pays chacun devait s'exercer en [celle-ci] jusqu'‡ trente ans sur grandes peines†; [ce] qui fut le moyen, dit Polybe, que les premiers lÈgislateurs de ce peuple-l‡ trouvËrent pour l'adoucir et apprivoiser, Ètant de son naturel barbare, comme tous habitants de montagnes et pays froids.
Le peuple de France adouci par la Musique. Nous pouvons, peut-Ítre, faire semblable jugement des Gaulois, que Julien l'Empereur appelait Barbares de son temps, et qu'on a vu depuis les plus courtois et traitables qui soient en l'Europe, de quoi les Ètrangers mÍmes s'Èmerveillent†; car chacun sait qu'il n'y a [p. 350] peuple qui plus s’exerce ‡ la musique, et qui chante plus doucement†; et qui plus est, il n'y a presque branle en France qui ne soit Ionique, ou Lydien, c’est-‡-dire, du cinquiËme ou septiËme ton, que Platon et Aristote dÈfendent ‡ la jeunesse, parce qu'ils ont grande force et puissance d'amollir et l‚cher les cœurs des hommes†; et [ils] voulaient exercer les enfants au Dorien, qui est le premier ton, pour les maintenir en certaine douceur accompagnÈe de gravitÈ, qui est propre au Dorien. La dÈfense serait meilleure en l’Asie mineure, qui n'avait autres branles que du cinquiËme et septiËme ton, [de mÍme] au pays de Lydie, et [en] Ionie. Mais les peuples des pays de Septentrion, froids ou montagneux, qui sont ordinairement plus sauvages, ou moins courtois que les peuples de Midi et habitants Ës plaines, ne se peuvent mieux apprivoiser et adoucir, qu'en usant de l'harmonie Lydienne et Ionique†; [chose] qui Ètait aussi dÈfendue en la primitive …glise, et [il] n'Ètait permis [de] chanter louanges et Psaumes que du premier ton, [ce] qui est, encore ‡ prÈsent, le plus frÈquent Ës …glises. Et tout ainsi que les hommes dÈsarment les bÍtes sauvages pour en venir ‡ bout, [de mÍme] aussi, l'harmonie Lydienne et Ionique, dÈsarme les plus farouches et barbares nations du naturel sauvage et cruel, et les rend doux et ployables, comme il est advenu aux FranÁois qui, peut-Ítre, n'eussent pas ÈtÈ si domptables et si obÈissants aux lois et ordonnances de cette Monarchie, si ce naturel, que l'Empereur Julien dit avoir ÈtÈ si haut et si peu souffrant la servitude, n'e°t ÈtÈ amolli par la Musique. Mais de toutes les rËgles, soit de l'astrologie, soit de la Musique, qu'on a trouvÈes pour juger ‡ l'avenir des changements et issues des RÈpubliques, il n'y en a point de nÈcessaires.






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